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Projet POUCEEC

Parcours Ouverts et Compétences pour l’Education à l’Esprit Critique

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Projet e-FRAN associé

Le projet POUCEEC a pour principal objectif d’accompagner un déploiement de la plateforme d’apprentissage POUCEEC (plateforme d’apprentissage à partir de vidéos pour favoriser des analyses critiques des vidéos et des arguments qu’elles véhiculent). Cette plateforme initialement développée et testée dans le cadre du projet DIMEDD, sera déployée dans divers établissements du secondaire dans 3 académies différentes (Toulouse, Marseille, Lyon). La plateforme permet (a) aux enseignants de construire des parcours (scénarios pédagogiques) d’étude de vidéos dans un objectif d’analyse critique des informations présentées dans les vidéos et (b) aux élèves de réaliser des activités d’étude active de différentes vidéos pour construire une analyse critique et leur propre point de vue. La plateforme propose certaines fonctionnalités pédagogiques comme le tri et labélisation de vidéos ou des prompts (i.e. incitations apparaissant au cours d’un visionnage d’une vidéo pour amener l’élève à s’interroger sur certains éléments de la vidéo comme la source de l’information).

D’un point de vue scientifique, le projet évaluera (a) l’impact de la plateforme sur les pratiques enseignantes et l’acceptabilité de la plateforme par les enseignants, (b) l’impact de la plateforme sur l’apprentissage de compétences d’esprit critique chez les élèves (tests en début, milieu et fin d’année), et (c) sur la nature des activités réalisées par les élèves avec la plateforme et les liens entre les types d’activités et l’amélioration attendue de compétences d’esprit critique.

Enfin, une démarche de conception participative avec les enseignants permettra également d’améliorer la plateforme au cours des 2 ans du projet afin de l’adapter aux besoins des enseignants et des pratiques pédagogiques. Cette amélioration de la plateforme devrait contribuer à une meilleure adoption de l’outil pour un ancrage de l’utilisation dans les usages.

Pour atteindre ces différents objectifs, un déploiement sera réalisé dans 3 académies (Toulouse, Lyon, Marseille) avec un objectif minimum de 22 établissements du secondaire au total. Le partenaire laboratoire CLLE (coordonnateur du projet) examinera les pratiques enseignantes et les effets des usages de la plateforme POUCEEC sur les compétences d’esprit critique des élèves et sur les pratiques et acceptabilité des enseignants. Le laboratoire IRIT examinera l’ensemble des traces d’activité d’utilisation pédagogique de la plateforme afin de comprendre les usages réels et les liens entre activités et performances des élèves. Pour soutenir un déploiement de la plateforme et son usage, les académies accompagneront la mise en place de la plateforme dans les établissements impliqués. Des formations aideront notamment à la pédagogie à l’esprit critique dans le traitement de ressources vidéo et à l’apprentissage à partir de vidéo. L’utilisation de la plateforme doit rester simple et ne pas nécessiter de formation pour faciliter l’acceptabilité et l’appropriation. En ce sens, l’association FREDD œuvrera à la diffusion et valorisation de la plateforme à travers la conception et le développement de supports de communications, la création de parcours pédagogiques pour faciliter la prise en main de la plateforme, l’organisation d’évènements et la mise en disposition d’une personne support tout au long du projet. Enfin, le groupe IRES Toulouse « Esprit critique, Science et médias » contribuera aux réflexions dans le projet en apportant son expertise sur l’éducation à l’esprit critique. Au final, le projet aboutira à un bilan des usages, de l’acceptabilité de la plateforme et des effets sur l’acquisition de compétences d’esprit critique afin d’en comprendre l’impact en éducation. Les ressources élaborées au cours du projet (parcours, supports de communications) et la mise à disposition de la plateforme en open source contribueront à pérenniser l’usage et l’appropriation de la plateforme par les communautés de l’éducation.

Établissement coordinateur :
CNRS

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
1 300 K€

Partenaires :
Université Paul Sabatier
Académie de Toulouse
Académie Aix-Marseille
Académie de Lyon
Association « Film, Recherche et Développement Durable »
La Collab

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Projet LudiMoodle+

Ludification adaptative pour la réussite des élèves

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Projet e-FRAN associé

Le projet LudiMoodle a produit une connaissance scientifique avancée et reconnue internationalement de l’impact de la ludification adaptative sur la motivation des élèves, démontrant le besoin d’adapter les éléments ludiques au profil des élèves et la nécessité de former les enseignants à l’usage de l’outil en s’appuyant sur la théorie de l’auto-détermination. Des recommandations et bonnes pratiques, ainsi que les outils développés, ont fait l’objet d’actions de diffusion lors de deux séminaires académiques au Rectorat de Lyon, et doivent aujourd’hui se poursuivre par des actions de formation plus approfondies auprès des enseignants et formateurs.

Dans cette continuité, le projet LudiMoodle + se donne trois objectifs sur des volets formatifs, scientifiques et technologiques. Le premier est la création d’un parcours de formation pour essaimer auprès de la communauté éducative les résultats scientifiques obtenus dans le cadre du projet LudiMoodle en termes de leviers motivationnels et de réussite pour les apprenants. Nous créerons un parcours M@gistère de formation à la ludification, notamment sous forme de capsules vidéo, qui apportera des bases théoriques, techniques et pratiques de la part des chercheurs impliqués dans le projet, d’experts du sujet et de retours d’expérience d’enseignants.

Un deuxième objectif concerne l’approfondissement des connaissances de l’impact de la ludification adaptative sur les performances des élèves. Nous proposons de déployer une expérimentation à large échelle dans 13 collèges et au minimum 25 classes de l’Académie de Lyon, afin de comparer les effets d’une ludification adaptée au profil des élèves (vs. non adaptée) et mettre en lien l’impact sur les performances, avec l’acquisition de stratégies d’auto-régulation, la motivation et l’engagement, ceci afin d’étudier les conditions de la réussite des élèves, tout en développant leur autonomie.

Enfin, le dernier objectif est la consolidation et l’enrichissement du plugin Moodle de ludification issu du premier projet, avec une mise en compatibilité avec la version 4.0, permettant une adaptation aux élèves, un suivi individualisé, et une personnalisation par section de cours. Le parcours de formation M@gistère reposera sur ce plugin rendu disponible en open source. Dans le cadre du plan d’action logiciels libres et communs numériques porté par la direction interministérielle du numérique, ce positionnement est une force puisqu’il permettra à toute la communauté Moodle de s’en emparer, le faire évoluer et surtout le maintenir dans le temps. Installé dans un premier temps sur les serveurs de l’Académie de Lyon, nous avons pour finalité de l’installer sur le territoire national avec le soutien du Rectorat. Nous viserons aussi sa diffusion au niveau international à travers des actions de communication ciblées auprès des communautés Moodle et EdTech, et des publications scientifiques dans des revues reconnues. Ce projet est à nouveau porté par l’Université de Lyon, avec un consortium réunissant partenaires académiques, recherche et entreprise : le laboratoire en informatique LIRIS est spécialisé dans la ludification adaptative et l’analyse des comportements engagés à partir des traces d’interaction ; le laboratoire en sciences de l’éducation ECP apportera ses compétences en analyse des déterminants motivationnels et d’auto-régulation des apprenants ; le Rectorat de l’Académie de Lyon assurera le lien avec le territoire d’expérimentation, l’entreprise Pimenko sera en charge des développements informatiques, et le Pôle d’Accompagnement à la Pédagogie Numérique de l’Université Lyon 3 de la création du parcours de formation sur M@gistère. L’ensemble de ces actions répondra aux enjeux de cet appel e-FRAN3, avec un approfondissement des connaissances de l’impact de la ludification adaptative, un transfert des résultats de la recherche et de l’innovation aux plans pédagogique et industriel, et un essaimage auprès de la communauté éducative et des EdTech.

Établissement coordinateur :
COMUE Université de Lyon

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
621 K€

Partenaires :
Rectorat de l’académie de Lyon
Université Lumière Lyon 2
Université Jean Moulin Lyon 3
Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
CNRS
Pimenko

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Projet GraphoGameAdapt

Réponse à l’intervention dans le contexte de GraphoGame : adaptativité, différenciation et élargissement aux enfants dyslexiques

Projet e-FRAN associé

GraphoGameAdapt propose l’approfondissement et l’essaimage de notre précédent projet e-Fran LEMON qui a porté sur le développement et l’évaluation d’une application d’aide à l’apprentissage de la lecture appelée GraphoGame (GG). Le nouveau projet GraphoGameAdapt propose des extensions majeures.

Le volet 1 propose le développement d’une version adaptative de GG qui s’appuie initialement sur les résultats des évaluations nationales (si celles-ci sont disponibles) et qui, par la suite, prend en compte la performance et les difficultés des élèves dans différents domaines (voir ci-dessous) ainsi que leur progression dans le jeu (« user data ») pour entraîner les compétences les plus déficitaires et stimuler ses compétences à un niveau optimal (« teaching at the right level »). Il s’agit donc de remplacer la progression linéaire de la précédente étude par une approche dimensionnelle en s’appuyant sur le « multi-deficit model » développé par Ziegler et collègues (Perry et al., 2019; Ziegler et al., 2020). L’objectif est donc de réorganiser les exercices actuels en dimensions (lettres-graphèmes, efficience orthographique, efficience phonologique) et de créer de nouveaux exercices pour des dimensions actuellement non-représentées : compréhension orale et/ou écrite au niveau lexical (vocabulaire) et surpralexical (phrases). L’implémentation informatique sera réalisée par un prestataire qui s’engage à rendre l’application gratuitement disponible en France à la fin du projet. GraphoGameAdapt deviendrait alors un compagnon intelligent permettant la mise en place d’une vraie stratégie de « réponse à l’intervention » en lien avec les évaluations nationales.
Le second objectif de ce volet 1 est de fournir un retour aux enseignants ou parents, des alertes ou des propositions de parcours individualisés. Pour cela, nous allons activer le système de compte en ligne GraphoGame, qui connecte l’application aux serveurs de GraphoGame. En ayant un compte GraphoGame, les enseignants et les parents pourront suivre la performance des utilisateurs sur un navigateur web et recevoir des analyses sur l’apprentissage de leurs élèves en temps réel. Grâce à la récupération automatique des données, nous pourrions désormais analyser les « user data » (big data), déterminer des profils d’apprenants et proposer des trajectoires d’apprentissage.

Le volet 2 propose de tester l’efficacité de la version adaptative de GG dans une expérimentation randomisée contrôlée au CP contre la version linéaire de GG et un groupe contrôle sans intervention, et de tester dans quelle mesure le retour aux enseignants via un système de compte en ligne permettra d’augmenter l’efficacité de l’intervention. L’autre objectif de ce volet est de mesurer si l’intégration de GG dans un système de distribution d’applications permet aux enseignants de changer leur pratique pédagogique en implémentant davantage une approche différenciée grâce à une accessibilité des ressources beaucoup plus simple (voir remarques de l’HCÉRES).

Enfin, le volet 3 propose d’utiliser GG dans la remédiation des enfants dyslexiques selon une approche de remédiation innovante multi-componentielle. L’idée est que GG soit associé selon le profil cognitif des enfants dyslexiques à des entrainements des capacités auditives/phonologiques, d’un côté, et visuelles/attentionnelles de l’autre. Sur la base d’un protocole déjà développé et pré-enregistré dans le contexte d’une thèse CIFRE à l’Université Côte d’Azur, nous proposons de tester cette approche novatrice dans une étude randomisée contrôlée auprès de 120 enfants dyslexiques. L’ensemble du projet permettrait donc la consolidation, l’approfondissement et l’essaimage des résultats prometteurs du projet LEMON tout en intégrant les suggestions faites par l’HCÉRES (meilleure utilisation des « user data » et meilleur essaimage).

Établissement coordinateur :
CNRS, délégation Provence et Corse

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
827 K€

Partenaires :
Université Côte d’Azur
Université d’Aix-Marseille

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Projet EXPIRE II

Expérimenter la Pensée Informatique pour la Réussite des Élèves II

Projet e-FRAN associé

Les programmes scolaires de Cycle 3 (CM1-CM2) stipulent que les élèves doivent s’initier à l’algorithmique et la programmation. Cet objectif peut être abordé via des activités pluridisciplinaires où la construction de programmes mobilise de façon conjointe des notions algorithmiques et des notions relevant de disciplines scolaires.

Les travaux menés dans le cadre du projet EXPIRE II se situent dans cette perspective. Ils visent notamment à affiner et essaimer des séquences d’enseignement de mathématiques fondées sur l’algorithmique et la programmation en Scratch ; à approfondir la compréhension des mécanismes cognitifs et des gestes professionnels favorisant les apprentissages mathématiques ; à produire de nouvelles séquences relevant d’autres disciplines, notamment la production d’écrits ; et à analyser les apprentissages en informatique que suscitent ces activités pluridisciplinaires.

Afin de mêler apports théoriques, évaluations scientifiques et expertise de terrain, les travaux impliquent des enseignants, des formateurs d’enseignants et des chercheurs. Les résultats attendus sont un ensemble de ressources pédagogiques et de recommandations (pour les enseignants, pour les formateurs d’enseignants) fondées sur des analyses scientifiques quantitatives et qualitatives.

Établissement coordinateur :
Université Grenoble Alpes

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
335 K€

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Projet e.P3C Transfert

Les bénéfices de la pluralité des contextes d’apprentissage par le numérique : vers un dispositif de transfert des résultats d’e.P3C

Contact

Projet e-FRAN associé

Fondée sur le caractère fédérateur, les résultats scientifiques et les retombées organisationnelles d’e.P3C, l’ambition du présent consortium est d’impulser avec e.P3C Transfert un écosystème opérationnel et pérenne de recherche et de formation sur le numérique au service de l’enseignement et l’apprentissage.

L’objectif n’est pas simplement de passer à l’échelle les outils d’e.P3C eux-mêmes — dans notre cas un STI et des modules pédagogiques pour les élèves — mais de transmettre les savoirs et savoir-faire associés à leur construction et qui ont fait leur preuve dans e.P3C en matière de contribution aux problématiques générales de la gestion de l’hétérogénéité scolaire et de la réduction des inégalités éducatives avec le numérique. Plutôt que d’offrir à la communauté éducative des outils numériques « prêts à l’emploi », mais dont la durée de vie peut s’avérer éphémère, e.P3C Transfert transmettra des connaissances, des compétences et une stratégie scientifiquement informée pour l’utilisation des ressources numériques, dotant ainsi la communauté des enseignants d’une autonomie pour concevoir elle-même l’équivalent des outils d’e.P3C et les adapter au plus près de leurs réalités et besoins professionnels.

L’axe 1 d’e.P3C Transfert prendra appui sur le groupe des « enseignants concepteurs » des STI d’e.P3C pour développer et évaluer un parcours test de formation fondé sur les résultats scientifiques (intégrant aussi les résultats de l’axe 2 d’ e.P3C Transfert) et les bases théoriques, méthodologiques et techniques d’e.P3C. L’objectif est de permettre à un plus grand nombre d’enseignants, à l’échelle de l’académie de Clermont puis à l’échelle nationale, de monter en compétences en matière de stratégies pédagogiques de différentiation avec le numérique. Intégré aux parcours de l’École Académique de Formation Continue (EAFC) de Clermont, cette formation sera également nourrie des travaux originaux de l’axe 2 d’e.P3C Transfert.

Non encore explorées, les millions de traces d’apprentissage produites par le groupe expérimental d’e.P3C lors de son utilisation des STI sur la plateforme Tactiléo de Maskott seront modélisées de manière originale en relation avec certaines caractéristiques des élèves (statut socio-économique et empan de mémoire de travail) dont le rôle s’est avéré déterminant, et les conclusions dans ce cadre seront également transférées aux enseignants via notre dispositif de formation (axe 1). Les modélisations de traces entendues au sens des learning analytics appliquées à l’éducation sont généralement aveugles à ces caractéristiques pourtant réputées par ailleurs pour leurs effets sur les productions scolaires. Or, aussi sophistiquées soient-elles, des modélisations en apesanteur des réalités sociales et cognitives des élèves sont nécessairement autant limitées que limitantes. L’articulation de différents niveaux et techniques d’analyse en revanche peut permettre de dépasser ces limites au profit de la construction d’outils plus adaptés aux réalités socio-cognitives en question. Ce dépassement est même probablement l’une des conditions indispensables pour améliorer les repères au service de l’action pédagogique, s’agissant en particulier de la gestion de l’hétérogénéité scolaire et de la réduction des inégalités éducatives. En bref, e.P3C Transfert permettra de consolider, d’approfondir et d’essaimer les fondements et acquis d’e.P3C et de porter in fine à l’échelle nationale une stratégie numériquement assistée, à la portée de tous les enseignants, susceptible de faciliter leur gestion de l’hétérogénéité scolaire et la réduction des inégalités ancrées dans l’origine sociale de leurs élèves. La France étant encore tête de classement des pays de l’OCDE s’agissant de la reproduction de telles inégalités, la diffusion des stratégies numériques susceptibles de l’enrayer doit être encouragée à large échelle, un objectif louable pour « France 2030 ».

Établissement coordinateur :
CNRS

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
1 725 K€

Partenaires :
Université Clermont Auvergne
Maskott

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Projet AREN-DIA

ARgumentation et Numérique — Didactique & Intelligence Artificielle

Projet e-FRAN associé

Acculturer les élèves à la pratique du débat et développer leurs compétences argumentatives est un enjeu majeur dans la perspective de leur éducation à la citoyenneté. Dans le cadre du projet AREN, un logiciel de débat a été développé et testé au lycée. Ce logiciel se caractérise par deux innovations. La première consiste à débattre à partir d’un texte, la seconde à intégrer un Traitement Automatique du Langage (TAL) dans deux fonctionnalités, la reformulation des arguments et le tag thématique. Les études réalisées au niveau du lycée montrent que l’usage du logiciel, lorsqu’il est inséré dans un dispositif didactique adapté, favorise le développement de certaines compétences argumentatives. Le nouveau projet AREN-DIA vise à optimiser et évaluer de façon approfondie l’impact de l’utilisation de ce logiciel. Il sera ainsi développé selon deux axes : didactique (D) et intelligence artificielle (IA).

L’enjeu de l’axe didactique est d’approfondir les premiers résultats, en menant une étude contrôlée, avec pré- et post-tests, groupes expérimental et témoin, et à plus grande échelle (1 200 élèves). Cette étude permettra un essaimage, puisqu’elle sera réalisée au niveau du collège, par des équipes pluridisciplinaires d’enseignants et dans 3 académies. L’objectif principal sera de mesurer de façon très précise les effets du dispositif didactique utilisant le logiciel AREN sur les compétences argumentatives des élèves. Les enseignants impliqués (48) seront formés l’année 1 et expérimenteront une première fois le dispositif didactique dans leurs classes. L’étude contrôlée sera réalisée l’année 2. Par ailleurs, un suivi individuel sera réalisé (par voie d’entretiens) auprès des élèves porteurs de handicaps en situation d’inclusion dans les classes de l’étude. Pour mettre en œuvre la formation (année 1) et l’expérimentation (l’année 2) dans les 3 Académies (Montpellier, Reims et Toulouse), l’équipe de recherche en sciences de l’éducation et psychologie et sciences du langage sera composée de chercheurs de 3 laboratoires (LIRDEF, CEREP et CLLE) répartis dans les zones géographiques de ces Académies. Dans cet axe, les principaux résultats attendus sont une détermination précise des évolutions des compétences argumentatives des élèves du groupe expérimental par rapport au groupe témoin. L’enjeu de l’axe IA est d’optimiser les fonctionnalités liées à la reformulation et l’analyse des arguments à l’aide de tags thématiques, qui intègrent une analyse automatique du langage, et de les évaluer sur le plan de leur usage. Pour optimiser ces fonctionnalités, les méthodes mobilisées seront issues de l’intelligence artificielle. La détermination des tags approfondira l’usage de l’analyse de concepts formels. Cette approche effectue des regroupements de propos selon les termes partagés, classe ces regroupements et met en évidence des termes qui jouent des rôles particuliers dans le débat. Ceci permet d’émettre des hypothèses sur les propos, qui, présentés aux participants pour recueillir leurs réactions, relancent le débat. Ces hypothèses peuvent prendre des formes très variées. Nous les expliciterons de manière systématique et explorerons lors des expérimentations de quelle manière les restituer au mieux aux participants et lesquelles sont les plus pertinentes. Nous exploiterons les connaissances apportées par les techniques d’analyse de la langue et les ressources lexicales pour les rendre plus pertinentes, par réécriture, généralisation, spécialisation et rapprochement des termes de même champ sémantique. Les développements relatifs à ces deux fonctionnalités seront menés au LIRMM et aboutiront à la mise au point d’une nouvelle version du logiciel, nommé AREN-DIA. L’évaluation (par voie de questionnaire) de cette version du logiciel sera menée dans deux contextes (débats citoyens au sein de la société civile, débats au lycée en philosophie). L’objectif sera d’identifier les apports et limites perçus par les usagers des deux fonctionnalités.

Établissement coordinateur :
Université de Montpellier

Durée du projet :
24 mois

Montant subvention :
735 K€

Partenaires :
Université de Reims Champagne Ardennes
CNRS

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Ressources

ProFAN : les ressources pédagogiques

Ressources pédagogiques pour les enseignements de français, de mathématiques et professionnels des baccalauréats professionnels MELEC, ASSP, Commerce

Logo de l'action ProFAN, des compétences pour les emplois du futur

Niveaux

Bacs Professionnels MELEC, ASSP, Commerce

Action/Projet associé(e)

Contact

Présentation

Ces ressources ont été créées spécialement pour l’action de recherche ProFAN conduite par la Mission Monteil, de janvier 2017 à la fin de l’année 2021, dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir.

Elles font partie du dispositif expérimental conçu par le consortium de 7 équipes de recherche, référentes dans le champ de la cognition et du comportement, en collaboration étroite avec des membres de l’IGESR ainsi que des corps d’inspection territoriaux, spécialistes des enseignements et des filières de formation concernés par l’étude.

Destinées à répondre aux objectifs de la recherche, dans la stricte conformité aux référentiels (en vigueur aux dates des enseignements), elles illustrent une approche pédagogique fondée sur l’interdépendance positive.

Démarches pédagogiques

Dans chacune des disciplines, les enseignements ont été menés dans le cadre de deux séquences pédagogiques en classe de 1ère (SP1 et SP2) et deux séquences pédagogiques en classe de Terminale (SP3 et SP4).
Les démarches pédagogiques proposées précisent les points du référentiel étudiés et renvoient à deux modalités d’enseignement distinctes, mises en œuvre de manière différenciée dans les classes expérimentales des établissements expérimentateurs :

  • travail en groupe « classique » ou habituel ;
  • travail en groupe organisé selon le modèle « classe puzzle » dite encore « méthode Jigsaw ».

Supports

Les supports d’apprentissage proposés (documents pour les enseignants et documents destinés aux élèves) sont le plus souvent des fichiers .pdf classés par séquence. Pour la classe de 1ère : séquence 1 et séquence 2 ; pour la classe de Terminale : séquence 3 et séquence 4.

Évaluations

Selon les disciplines, les outils et grilles proposés ici recourent à diverses modalités d’évaluation, dont certaines prévoient le recours à des QCM en ligne qui ne sont pas fonctionnels à partir de ce site. Les documents proposés sont clairement destinés aux enseignants qui pourront les adapter, tant sur la forme que dans les modalités d’exploitation, aux contextes pédagogiques qui seront les leurs.

Disponibilité

Vous pouvez télécharger gratuitement l’ensemble des ressources pédagogiques ProFAN en vous rendant sur le site https://ressources-profan.limos.fr/ et en renseignant Login : profan ; Mot de passe : MdppludsdrP>6

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ProFAN Toutes les actions et projets

Action ProFAN : le bilan

Analyser et tester des modes d’enseignement et d’apprentissage susceptibles de favoriser l’acquisition de nouvelles compétences rendues nécessaires par la numérisation des univers professionnels quelle que soit leur nature

Cette étude avait pour objectif de tester expérimentalement à grande échelle des modes d’enseignement et d’apprentissage propres à faire émerger de nouvelles compétences induites par la transformation digitale du travail et de son environnement social. Elle s’adressait à des élèves de lycées professionnels issus de trois filières de formation représentatives des grands secteurs d’activités (ASSP, Commerce et MELEC), suivis pendant deux années consécutives en classe de première et de terminale. Concrètement, il s’agissait d’étudier les effets du travail collectif avec ou sans consignes susceptibles de favoriser une interdépendance positive entre les élèves d’un même groupe de travail, en comparaison à un enseignement habituel de type travail individuel. Ce mécanisme d’interdépendance positive, qui rend la contribution de tous les élèves d’un groupe de travail indispensable à l’atteinte d’un objectif commun, devait en principe faciliter l’apprentissage des élèves les plus en difficulté et développer les aptitudes de tous les élèves à travailler collectivement. Ces effets ont été examinés sur les résultats scolaires individuelles des élèves ainsi qu’à l’échelle de leur classe, sur des contenus développés dans les séquences pédagogiques ProFAN enseignées à la fois dans les matières générales (français et mathématiques) et les enseignements professionnels des filières considérées. Ces effets ont aussi été testés sur les performances et autres comportements des élèves (par exemple, trouver collectivement une solution, coordonner son point de vue avec autrui, faire preuve de créativité, etc.) en situation de résolutions collectives de problèmes non issus de ces séquences. D’autres mesures concernaient les réponses des élèves à plusieurs questionnaires permettant de sonder leurs représentations et auto-évaluations dans différents domaines (par exemple, perception de compétences, estime de soi, motivation aux activités cognitives, attitudes envers les compétences sociales, etc.). Ces mesures ont été relevées longitudinalement dans ce cadre afin de conclure à l’existence ou non d’un bénéfice du travail collectif, qu’il soit structuré ou non par l’interdépendance positive. Ce bénéfice pouvait s’exprimer au niveau des représentations et auto-évaluations de tous les élèves quels que soient leur appartenance de sexe ou leur profil sociaux-cognitifs, ou seulement pour un groupe de sexe et/ou pour des élèves caractérisés par un certain profil.

Une véritable collaboration entre chercheurs et praticiens de l’éducation

Un groupement de chercheurs de sept équipes de recherche (cinq françaises et deux suisses), référentes dans le champ de la cognition et du comportement, a conçu le dispositif expérimental en collaboration étroite avec des membres de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche et des corps d’inspection territoriaux, spécialistes des enseignements et des filières de formation concernées par l’étude. Cette étroite collaboration entre chercheurs et praticiens de l’éducation a permis de garantir la compatibilité des objectifs scientifiques avec la structuration des séquences pédagogiques ProFAN et leur conformité aux référentiels des filières considérées. Les inspecteurs étaient à la fois les experts et les garants, aux côtés des enseignants qui ont participé à la production des supports.
Le suivi des expérimentations et de leurs résultats relevait d’un conseil d’orientation stratégique présidé par le recteur Monteil, réunissant le Secrétariat général pour l’investissement, les directions générales du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, un recteur, des membres de corps d’inspection, des chercheurs et des personnalités qualifiées, tous garants du respect des objectifs et des principes organisateurs scientifiques et méthodologiques. Dans le cadre de sa lettre de mission interministérielle, la Mission Monteil a assuré les pilotages scientifiques et organisationnels de l’expérimentation.

Quelques chiffres

Carte de France indiquant les départements impliqués dans l'action. Description détaillée ci-dessous.

10 Académies

7 laboratoires de recherche
37 chercheurs

19 membres des corps d’inspection
150 référents

109 établissements
3 filières de formation
1 263 enseignants
10 163
élèves

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Thèses

Mixité dans les groupes et créativité collective : études à grande échelle sur les effets de la composition des groupes sur la production d’idées

Laurine PETER

Niveaux

Élèves de lycées professionnels

 

 

Public

Lycéen·ne·s, professeur·e·s en lycée, chercheur·euse·s

 

Contact

Laurine PETER — Voir ses publications

Laboratoire LP3C

Action/Projet associé(e)

Ressource(s) associée(s)

À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche s’intéresse aux effets de la mixité de genre dans les groupes sur la production d’idées créatives. Deux questions principales sont posées ici : (1) comment composer les groupes sur la base des caractéristiques visibles comme le genre pour améliorer la production d’idées créatives, (2) quel est l’effet de la nature d’une tâche (stéréotypée ou non) sur la production d’idées créatives. Afin de répondre à ces questions, une épreuve de brainstorming électronique, permettant d’évaluer la créativité collective a été conceptualisée et implémentée sur une plateforme numérique, puis déployée dans une centaine de lycées professionnels français.

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

La créativité est une compétence du 21e siècle fondamentale au développement d’une société innovante (Ahmadi et Besançon, 2017). Elle est notamment définie par le fait de produire de nouvelles idées, solutions ou perspectives (Paulus et al., 2019). Plusieurs outils permettent de recueillir des scores de créativité, comme des questionnaires, mais ce ne sont généralement pas des mesures satisfaisantes puisqu’elles ne prédisent pas suffisamment les performances objectives (Haase et al., 2018). La production d’idées a souvent été mesurée dans les groupes à partir d’une technique de brainstorming. De plus, l’utilisation d’une version électronique de celle-ci apporte certains avantages comme la simultanéité dans la production d’idées qui empêche le processus de « blocage des productions » où le fait d’attendre son tour pour produire une idée verbalement réduit la quantité globale d’idées produites dans un laps de temps donné (Diehl et Stroebe, 1987).

Le brainstorming permet ainsi de recueillir plusieurs indicateurs clés lors de l’évaluation de la production d’idées créatives : la fluidité (le nombre d’idées produites), la flexibilité (le nombre de catégories sémantiques explorées) et l’originalité (la rareté des idées ; Guilford, 1950). D’autre part, des travaux plus récents — et réalisés plus particulièrement dans le cadre de la créativité collective — recommandent l’ajout d’indicateurs de clustering afin d’apporter des éléments de réponse quant à l’enchaînement des idées dans le groupe (Nijstad et Stroebe, 2006). Autrement dit, les idées produites successivement appartiennent-elles à une même catégorie sémantique (impliquant ainsi une association d’idées entre les membres du groupe) ou au contraire à des catégories sémantiques différentes ? Très peu de recherches antérieures prennent en considération l’ensemble de ces indicateurs dans l’évaluation de la créativité de groupe et aucune ne s’est intéressée aux effets de la composition des groupes sur les mesures de clustering.

Question 1 : comment composer les groupes sur la base des caractéristiques visibles comme le genre pour améliorer la production d’idées créatives ?

Les travaux portant sur les effets de la mixité de genre dans les groupes sur la créativité n’identifient pas clairement un consensus : certaines recherches montrent un effet bénéfique de la mixité de genre sur les performances créatives (Schruijer et Mostert, 1997), d’autres un effet négatif (Bell et al., 2011) et d’autres aucun effet (Herschel, 1994). Toutefois, le genre correspond à un indice visible permettant aux individus d’un même groupe de se catégoriser. Ainsi, sur la base  du modèle de Catégorisation-Élaboration (Van Knippenberg et al., 2004) reposant sur les processus de catégorisation sociale, les différences de genre dans un groupe peuvent être rendues saillantes (et donc, susciter davantage de visibilité) et auraient pour conséquence d’entraîner une « fracture » et l’apparition de sous-groupes néfaste à la cohésion du groupe (Mannix et Neale, 2005) et à la production d’idées créatives (Lau et Murnighan, 1998). En guise d’exemple, si une femme est amenée à produire des idées dans un groupe composé majoritairement d’hommes, la catégorie du genre et les différences au sein du groupe sont rendues saillantes, ce qui entraîne un risque de fracture dans le groupe et, potentiellement, des performances créatives plus faibles comparativement à un groupe composé uniquement d’hommes ou de femmes (où la catégorie du genre n’est pas rendue saillante).

Question 2 : quel est l’effet de la nature d’une tâche (stéréotypée ou non) sur la production d’idées créatives ?

La production d’idées créatives au sein des groupes mixtes pourrait être d’autant plus affectée négativement lors de la réalisation d’une tâche perçue comme stéréotypée — puisqu’elle rendrait les différences de genre au sein du groupe encore plus saillantes —, augmentant ainsi le risque de « fracture » entre les membres du groupe (Pearsall et al., 2008). Autrement dit, le fait de rendre saillantes les catégories de genre à partir de tâches stéréotypées devrait avoir une influence sur la production d’idées dans les groupes.

Pour conclure, le manque de consensus sur les effets de la mixité de genre sur divers indicateurs de production d’idées créatives dans les groupes suggère de prêter une attention particulière à cette problématique. Le brainstorming électronique, de par les avantages qu’il peut conférer comparativement à sa version classique, s’avère être un outil pertinent pour produire des idées en groupe et, ainsi, comparer les performances créatives obtenues selon la composition des groupes. Face au risque de sous-division du groupe et un potentiel effet délétère sur la créativité, la perception genrée de la tâche devrait également être prise en considération.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

Trois études composent ce travail de recherche, utilisant pour chacune d’entre elles une méthodologie de recherche similaire. Au sein du projet ProFAN, deux cohortes de lycéen·ne·s (en classe de 1ère), inscrit·e·s dans l’une des trois filières professionnelles « Accompagnement, Soins et Services à la Personne » (ASSP), « Commerce » et « Métiers de l’Électricité et de ses Environnements Connectés » (MELEC), ont été suivies.

Au sein de chaque établissement, les élèves d’une même classe (et donc, issus de la même filière) étaient installés individuellement devant un ordinateur et se connectaient sur la plateforme numérique créée spécifiquement pour le projet ProFAN. Ils étaient par la suite répartis aléatoirement dans des groupes de trois ou quatre élèves, et devaient réaliser une tâche de brainstorming électronique. Ils avaient ainsi pour consigne de trouver le plus d’utilisations possibles d’une boîte en carton (tâche neutre) ou d’une boîte en métal (tâche stéréotypée) pendant dix minutes¹. Les élèves communiquaient entre eux uniquement par l’intermédiaire d’un outil de conversation textuelle (voir Figure 1).

Capture d'écran de l’interface du brainstorming électronique. Description détaillée ci-dessous.
Figure 1 – Capture d’écran de l’interface du brainstorming électronique.
Note. Les noms et prénoms des participant·e·s sur l’interface sont fictifs.

À la suite de la passation de la tâche de brainstorming électronique, un codage minutieux des idées a permis l’obtention de plusieurs indicateurs. Ainsi, le nombre d’idées produites (fluidité), le nombre de catégories sémantiques² explorées (flexibilité) et la rareté des idées (originalité) ont été codés par élève et par groupe. Parallèlement, plusieurs indicateurs liés au clustering ont également été calculés pour évaluer l’enchaînement des idées dans les groupes, incluant notamment la mesure d’ARC (Adjusted Ratio of Clustering).

Les études 1 et 2 ont impliqué tous les élèves (avec des groupes de trois) issus des trois filières, mais ont chacune pris en considération une cohorte de lycéen·ne·s distincte afin d’observer si des résultats similaires étaient obtenus entre les deux cohortes. Ainsi, 2 085 élèves ont participé à la première étude, et 2 580 élèves à la deuxième étude.

Toutefois, ces deux études ont présenté comme limite principale d’inclure des filières avec des répartitions de genre très différentes au sein de celles-ci (95 % de femmes en ASSP et 98 % d’hommes en MELEC), ce qui pouvait dissimuler un potentiel effet de filière. L’étude 3 s’est donc attachée à impliquer 1 749 lycéen·ne·s inscrit·e·s uniquement dans la filière « Commerce », dans laquelle les proportions d’hommes et de femmes était les plus équilibrées. De plus, cette troisième étude a également inclus les groupes composés de quatre élèves afin d’ajouter une condition équitablement mixte (groupes composés de deux hommes et deux femmes).

La composition des groupes en fonction du genre a donc été réalisée a posteriori. Ainsi, dans les trois études, les performances créatives des conditions suivantes ont été comparées :

  • les groupes composés uniquement de femmes ;
  • les groupes avec un homme seul parmi une majorité de femmes (homme « solo ») ;
  • les groupes équitablement mixtes avec autant d’hommes que de femmes (condition ajoutée uniquement dans l’étude 3) ;
  • les groupes avec une femme parmi une majorité d’hommes (femme « solo ») ;
  • les groupes composés uniquement d’hommes.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Question 1. L’étude 1 portant sur la première cohorte d’élèves fait apparaître que les groupes composés uniquement de femmes produisent des idées plus nombreuses et plus originales que les groupes mixtes et ceux composés uniquement d’hommes. Ces derniers présentent par ailleurs les scores les plus faibles. Toutefois, il n’y a pas de différence entre les diverses compositions de groupe sur les indicateurs de flexibilité (catégories explorées) et d’ARC (enchaînement des idées). Les mêmes résultats sont obtenus dans l’étude 2 auprès d’élèves de la deuxième cohorte. L’ensemble de ces résultats suggère donc que les groupes de femmes seraient plus créatives que les groupes mixtes et les groupes d’hommes. Les résultats de l’étude 3³ — réalisée auprès des élèves de la filière Commerce et incluant les groupes de quatre élèves — font de nouveau apparaître que les groupes composés uniquement de femmes produisent plus d’idées (fluidité) que les groupes « solo » avec un homme seul ou une femme seule dans le groupe et que les groupes composés exclusivement d’hommes. En revanche, il n’y a pas de différence significative entre les groupes de femmes et les groupes avec deux hommes et deux femmes sur le nombre d’idées produites. D’autre part, il apparait également que les groupes de femmes explorent davantage de catégories sémantiques (flexibilité) et produisent des idées plus originales (originalité) que les groupes « solo » avec une femme seule. Il n’y pas de différence observée avec les autres formes de composition de groupe.

Question 2. L’étude 1 ne montre pas de différence entre les deux tâches réalisées (boîte en carton vs. boîte en métal) sur les indicateurs de production d’idées. En somme, les groupes mixtes ont globalement obtenu les mêmes scores de fluidité et d’originalité sur les deux types de tâches. En revanche, l’étude 2 ne confirme pas ce résultat. En effet, les groupes mixtes ayant réalisé la tâche « Boîte en métal » (stéréotypée masculine) obtiennent des scores de production d’idées plus élevés que les groupes mixtes ayant réalisé la tâche « Boîte en carton » (neutre). De son côté, l’étude 3 met également en exergue que les scores sont plus élevés (et ce, peu importe la composition du groupe) lors de la réalisation de la tâche « Boîte en métal » que lors de la tâche « Boîte en carton ». Ainsi, contrairement à nos attentes, la tâche stéréotypée masculine n’a pas entraîné une fracture dans le groupe mais, au contraire, a entraîné une production d’idées plus nombreuses et plus originales que la tâche neutre.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

  • La compétence des élèves à produire des idées créatives peut être mesurée avec une tâche de brainstorming, ce qui permet l’obtention de plusieurs indicateurs de pensée divergente (notamment la fluidité, la flexibilité et l’originalité). Il est cependant important de garder à l’esprit que ce type d’exercice renvoie à une forme particulière de la créativité, focalisée sur le flot d’idées produites par les individus seuls ou en groupe.

  • Lors de séances de brainstorming en groupe — où l’objectif est de produire de nombreuses idées — la composition des groupes en fonction du genre des élèves n’est pas à négliger. Pour optimiser la production d’idées, les groupes uniquement composés de femmes ou les groupes composés d’un même nombre d’hommes et de femmes seraient à privilégier, tandis que les groupes avec un membre « solo » (une femme ou un homme seul·e dans le groupe) et les groupes composés exclusivement d’hommes seraient à éviter.

  • Le thème proposé lors d’une séance de brainstorming semble avoir une importance (Pearsall et al., 2008) mais les résultats obtenus ne vont pas dans le sens de nos attentes. En effet, nous pouvons penser que, dans nos trois études, la tâche de la « boîte en métal » n’était pas suffisamment genrée masculine pour avoir un effet délétère sur les performances créatives des groupes mixtes. La nature de la tâche à réaliser pourrait cependant être un critère à prendre en considération.

  • Des techniques de brainstorming peuvent permettre aux élèves à la fois de développer leurs compétences créatives (produire des idées, trouver une solution à un problème, etc.), mais aussi de développer les compétences à collaborer et à communiquer avec les autres. En cela, inclure des séances comme celles-ci au sein des classes pourraient être bénéfiques au développement des compétences du 21e siècle.

Notes de bas de page :
1. Afin de répondre à notre deuxième question de recherche, un prétest avait été réalisé en amont auprès de 62 de lycéen·ne·s qui ne faisaient pas partie de l’expérimentation ProFAN. Il est apparu que la tâche « boîte en métal » était perçue comme plus masculine que la « boîte en carton », elle-même considérée comme neutre. Nous pouvons ainsi nous attendre à des performances créatives détériorées au sein des groupes mixtes lors de la réalisation de la tâche « stéréotypée » (boîte en métal) comparativement à la réalisation de la tâche neutre (boîte en carton).
2. Dix catégories sémantiques ont été créées : « Meubles et articles ménagers », « Utilisation artistique », « Fournitures de bureau », « Faune et flore », « Mécanique, bricolage et outillage », « Jeux, jouets et sport », « Vêtements, bijoux et accessoires », « Récipients », « Bâtiments et travaux publics », « Moyens de transport ».
3. Les résultats de l’étude 3 ont été publiés dans une revue scientifique : voir Peter et al. (2021).

Références

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Bell, S. T., Villado, A. J., Lukasik, M. A., Belau, L. et Briggs, A. L. (2011). Getting specific about demographic diversity variable and team performance relationships : A meta-analysis. Journal of Management, 37(3), 709-743. https://doi.org/d58wkt

Diehl, M. et Stroebe, W. (1987). Productivity loss in brainstorming groups : Toward the solution of a riddle. Journal of Personality and Social Psychology, 53(3), 497. https://doi.org/dqwf6j

Guilford, J. (1950). Creativity. American psychology. https://doi.org/fxdfvn

Haase, J., Hoff, E. V., Hanel, P. H. et Innes-Ker, Å. (2018). A meta-analysis of the relation between creative self-efficacy and different creativity measurements. Creativity Research Journal, 30(1), 1-16. https://doi.org/gc2ck3

Herschel, R. T. (1994). The impact of varying gender composition on group brainstorming performance in a GSS environment. Computers in Human Behavior, 10(2), 209-222. https://doi.org/d9tfkz

Lau, D. C. et Murnighan, J. K. (1998). Demographic diversity and faultlines : The compositional dynamics of organizational groups. Academy of Management Review, 23(2), 325-340. https://doi.org/bwhvjr Mannix, E. et Neale, M. A. (2005). What differences make a difference? The promise and reality of diverse teams in organizations. Psychological Science in the Public Interest, 6(2), 31-55. https://doi.org/cx352h

Nijstad, B. A. et Stroebe, W. (2006). How the group affects the mind : A cognitive model of idea generation in groups. Personality and Social Psychology Review, 10(3), 186-213. https://doi.org/ccnhq6

Paulus, P. B., Coursey, L. E. et Kenworthy, J. B. (2019). Divergent and convergent collaborative creativity. The Palgrave Handbook of Social Creativity Research (p. 245-262). Springer. https://doi.org/fzst

Pearsall, M. J., Ellis, A. P. et Evans, J. M. (2008). Unlocking the effects of gender faultlines on team creativity : Is activation the key? Journal of Applied Psychology, 93(1), 225. https://doi.org/cp4nhr

Peter, L., Michinov, N., Besançon, M., Michinov, E., Juhel, J., Brown, G., Jamet, E., Cherbonnier, A., Anatolia, B., Fabrizio, B. et al., (2021). Revisiting the effects of gender diversity in small groups on divergent thinking : A large-scale study using synchronous electronic brainstorming. Frontiers in Psychology, 4634. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2021.723235

Schruijer, I. et Mostert, S. G. L. (1997). Creativity and sex composition : An experimental illustration. European Journal of Work and Organizational Psychology, 6(2), 175-182. https://doi.org/c9k5p9

Van Knippenberg, D., De Dreu, C. K. et Homan, A. C. (2004). Work group diversity and group perfor- mance : an integrative model and research agenda. Journal of Applied Psychology, 89(6), 1008. https://doi.org/c9k

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Liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation de lycéens sur des questions socio-scientifiques : quels apports pour l’éducation à l’esprit critique ?

Kévin De CHECCHI

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche s’intéresse aux représentations que les élèves ont sur les connaissances et sur les opinions et les liens avec leur manière d’argumenter. Ces éléments amènent à compléter les cadres conceptuels de l’esprit critique afin de penser le développement de dispositifs éducatifs. La question de recherche principale que j’explore à travers ce travail de recherche est : quels liens les croyances sur les connaissances et sur les avis, les représentations du débat et l’argumentation sur des questions socio-scientifiques de lycéens entretiennent-elles ?

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

Permettre aux élèves, futurs citoyens, de développer leur esprit critique est un enjeu majeur de nos sociétés. En effet, disposer d’un esprit critique permet aux élèves de prendre part de façon éclairée aux débats de société (Gaussel, 2016). En particulier, les Questions Socio-Scientifiques (QSS) sur de sujets tels que le réchauffement climatique, la mondialisation ou l’intelligence artificielle, engagent le futur de notre société et doivent pouvoir être débattues par des citoyens responsables. Dans la littérature, l’esprit critique a notamment été défini comme renvoyant à « une pensée réflexive raisonnable » (Ennis, 1985, p. 45), ou encore comme « un jugement réflexif autorégulé » (Facione, 1990, p. 38). Or cette « pensée » et ce « jugement » dépendent, au moins en partie, des croyances épistémiques, c’est-à-dire les croyances sur les connaissances et le fait de connaître (Kitchener et King, 1981).

Pour illustrer la place que ces croyances peuvent avoir dans la vie des citoyens, Hofer (2004) donne l’exemple d’une situation (qui nous est maintenant familière…) qui décrit les différents questionnements que peut avoir un individu pour l’aider à prendre une décision :

« Imaginez que vous venez d’apprendre que vous êtes atteint d’une maladie dont vous ne savez pas grand-chose. Allez-vous accepter le diagnostic de votre médecin comme étant le dernier mot sur la question, ou bien allez-vous chercher à approfondir vos propres connaissances sur ce sujet ? Si vous choisissez de chercher des informations supplémentaires, où allez-vous chercher ? Allez-vous consulter d’autres membres du personnel médical, demander leur avis à des amis et des parents, examiner des revues ou des livres, regarder sur des sites internet ? » (Hofer, 2004, p. 43)

Ces croyances épistémiques peuvent être résumées en trois grands profils (Kuhn et al., 2000). Les individus absolutistes considèrent que les connaissances sont objectives et certaines et qu’elles sont accessibles grâce à une autorité considérée par l’individu comme légitime. Les multiplistes considèrent eux que les connaissances sont incertaines et subjectives. De ce fait, les connaissances prennent le statut d’opinions personnelles librement choisies par les individus. Toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de croire ce que bon lui semble. Enfin, les individus évaluatistes intègrent la dimension objective et subjective des connaissances. Ces derniers, conscients du caractère incertain des connaissances, les évaluent en mobilisant des critères afin d’en déterminer leur valeur de vérité.

Par ailleurs, l’esprit critique a été décrit comme renvoyant en partie à des dispositions et des compétences argumentatives (Ennis, 2011 ; Facione, 1990 ; Schwarz, 2009). D’ailleurs, l’intérêt pour l’enseignement et l’apprentissage de l’argumentation est de plus en plus présent dans la recherche depuis une vingtaine d’années (Erduran et al., 2004). Or, un des facteurs qu’il semble important à explorer pour favoriser une argumentation de bonne qualité chez les élèves concerne leurs croyances épistémiques (Hofer et Pintrich, 1997 ; Kuhn et al., 2000). En effet, plusieurs études montrent que plus un individu a des croyances épistémiques élaborées, plus son argumentation est de bonne qualité (Kienhues et al., 2008 ; Kuhn, 1991 ; Mason et Scirica, 2006 ; Noroozi, 2018). Néanmoins, ces études considèrent les croyances épistémiques de façon générale et décontextualisée et non comme devant être situées à l’activité épistémique en jeu. En outre, ces mêmes études proposent pour la plupart une approche quantitative ne décrivant pas de manière fine les croyances épistémiques des élèves et leur argumentation.

Au regard de l’ensemble de ces éléments théoriques et empiriques, ce travail de recherche propose :

  • de décrire de manière fine et située les croyances épistémiques notamment en les articulant avec les représentations des individus concernant l’activité épistémique en jeu. Cette démarche vise à approfondir, voire à remettre en question les profils et les dimensions identifiés dans la littérature qui sont utilisés pour étudier les croyances épistémiques ;
  • de questionner les résultats théoriques et empiriques concernant les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation qui sont décrits de manière générale dans la littérature. Notamment, les auteurs n’explicitent pas le cadre argumentatif en jeu dans leur contexte de recherche qui guide la construction de leurs grilles d’analyse ainsi que l’interprétation de leurs résultats ;
  • d’opérer une distinction dans le contexte des QSS concernant les objets épistémiques (connaissance et avis) qui doivent être décrits comme renvoyant aux croyances épistémiques ;
  • d’articuler l’ensemble des éléments théoriques abordés précédemment autour d’une conceptualisation enrichie de l’esprit critique.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

La démarche

La méthodologie mobilisée dans ce travail de recherche est définie comme étant « semi-écologique » : le dispositif est co-construit entre l’équipe de recherche, les enseignants et les élèves. Cette approche permet d’élaborer des séquences adaptées au niveau des élèves, aux pratiques et aux choix pédagogiques des enseignants. Cette démarche favorise la transférabilité des séquences didactiques en dehors du contexte spécifique du projet de recherche AREN (projet dans lequel s’inscrit ce travail de recherche) et sa mobilisation en classe par les enseignants.

La séquence didactique

Une séquence didactique AREN se compose dans l’ordre : d’une phase préparatoire dévolue à l’enseignement de contenus disciplinaires (c’est-à-dire, travail « classique » des contenus disciplinaires avec les élèves), la passation d’un pré-test, un débat sur la plateforme numérique AREN, un travail de synthèse réflexif sur les arguments produits pendant le débat et la passation d’un post-test.

Participants, outils et données recueillies

L’ensemble des données de ce travail de recherche a été recueilli sur deux ans, impliquant au total deux classes et 12 élèves. La première année les élèves étaient en classe de 1ère et la deuxième année de l’étude ils étaient en classe de Terminal. Ces données sont issues à la fois du dispositif didactique AREN, de pré-tests et de post-tests, mais également d’entretiens.

Les entretiens semi-directifs visaient à décrire finement les croyances épistémiques des élèves sur les connaissances et les avis, et leurs représentations du débat. La conduite des entretiens avec les élèves a été inspirée par l’entretien d’explicitation de Vermersch (2010). Ce type d’entretien aide notamment les individus à verbaliser leurs actions passées ou leurs croyances relatives à un objet particulier. Il favorise la prise de conscience provoquée. Les quatre premières questions portaient spécifiquement sur le contexte du débat. Celles-ci ont été pensées en lien avec le modèle AIR de Chinn et al., (2014). Ce modèle en trois composantes s’intéresse au but épistémique, aux critères permettant de savoir si le but a été atteint, et aux processus pertinents à mobiliser pour atteindre le but épistémique visé. Les quatre autres questions visaient à explorer les croyances épistémiques des individus à la fois concernant les connaissances, les avis et les liens possibles entre les deux. À titre d’exemple, pendant les entretiens, les questions suivantes ont été posées aux élèves : « Pourquoi est-ce que l’on débat ? », « Si quelqu’un n’est pas d’accord avec toi pendant le débat, que se passe-t-il ? », « Est-ce que pour toi c’est possible que quelqu’un ait le meilleur avis ? ».

Les interventions des élèves analysées proviennent des quatre débats qui se sont déroulés pendant leur année de 1ère et de Terminale. Chaque débat débutait par la lecture d’un texte en lien avec une question socio-scientifique. La thématique abordée et le sujet du texte ont été choisis conjointement entre l’équipe de recherche AREN et les enseignants. Par exemple, pour le premier débat, certains élèves ont débattu à partir d’un texte sur les chantiers de forage au large de la Guyane par Total alors que d’autres ont eu un texte sur l’usage des OGM Bt comme insecticide. Les interventions des élèves ont été analysées à l’aide de la grille développée par Pallares (2019) dans le cadre du projet AREN. La grille d’analyse a été construite de manière à prendre en compte les spécificités de l’argumentation sur des QSS. Elle permet de décrie les interventions des élèves en termes de « mouvements argumentations » (par exemple, développement, réfutation, nuance, questionnement) et « d’affinement de contenu » (par exemple, domaine de validité, prise en compte de l’ouverture et de l’incertitude de la QSS).

Les pré-/post-tests étaient donnés à remplir par les élèves avant et après chaque débat au sein d’une séquence didactique AREN. Chacun de ces tests comportait : une échelle de Likert sur laquelle l’élève devait se positionner au regard d’une assertion en lien avec la QSS abordée pendant le débat; une partie argumentaire où l’élève devait expliquer son positionnement; et deux questions dans la visée n’étaient pas les mêmes entre les pré-tests et les post-tests. Dans les pré-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que quelqu’un peut avoir un avis acceptable sur ce sujet, et pourquoi ? », et « Peut-on être certain sur ce sujet, et pourquoi ? ». Ces deux questions visent à mettre en lumière les représentations des élèves concernant l’ouverture (pour la première question) et la présence d’incertitudes (pour la deuxième question) concernant la QSS en jeu. Dans les post-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que tu as changé d’avis ou nuancé ta position? Pourquoi ? », et « Penses-tu que le débat en classe t’a apporté quelque chose ? Si oui, précise ce que cela t’a apporté. Si non, explique pourquoi. ». Ces questions ont pour but d’affiner les représentations du débat des élèves au regard de la perception qu’ils ont des apports des débats ayant eu lieu sur la plateforme numérique AREN.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Au regard des analyses effectuées, plusieurs résultats importants ressortent de ce travail de recherche concernant les croyances épistémiques, les représentations du débat, leurs liens avec l’argumentation des élèves et l’éducation à l’esprit critique. Plus spécifiquement, les résultats empiriques viennent étayer la proposition théorique concernant la prise en compte des avis dans l’étude des croyances épistémiques. En effet, la description fine des croyances sur les connaissances et les avis montrent qu’inclure ces deux objets épistémiques permet : une meilleure compréhension des croyances épistémiques des élèves, un affinement avec les profils plus ou moins élaborés identifiés dans la littérature, d’identifier d’autres dimensions pour les décrire (dimension ontologique, c’est-à-dire, comment les élèves définissent-ils les connaissances et les opinions ? ; généalogique, c’est-à-dire, d’où proviennent les connaissances et les opinions ? ; et structurelle, c’est-à-dire, quels liens existent-ils entre les connaissances et les opinions ?).

En outre, l’analyse des représentations des élèves montre que : les élèves n’attribuent pas toujours de buts et de processus épistémiques au débat, les processus considérés comme pertinents semblent pouvoir être classés en deux patterns en fonction de s’ils sont plutôt tournés vers de l’intrapersonnel ou de l’interpersonnel. Les réponses aux questions des pré-/post-tests ont permis d’affiner la compréhension des représentations du débat en précisant que dans le cadre des débats AREN les élèves : déclarent des apports différents en fonction du débat, considèrent ne pas avoir changé de points de vue mais avoir toutefois appris, définissent de manière floue des termes et expressions comme changer d’avis ou encore nuancer sa position, ont des représentations variables sur les QSS et parfois en décalage avec les attendus éducatifs.

Concernant l’argumentation des élèves, un des résultats principaux concerne l’identification de critères permettant de décrire finement la manière d’argumenter des élèves en fonction : des principaux mouvements argumentatifs qu’ils ont produits, qu’ils ont justifiés et la qualité des affinements de contenu qu’ils ont apportés. Sur cette base, l’évaluation de la qualité de l’argumentation des élèves a montré un lien fort entre ces trois indicateurs qui évoluent de façon homogène : plus un élève produit des mouvements argumentatifs différents, plus il les justifie et plus il apporte d’affinements de contenu de qualité. Aussi, en adéquation avec les précédentes études conduites dans le projet AREN (Pallares, 2019 ; Pallares et al., 2020), l’argumentation des élèves varie fortement entre les débats, notamment au regard de la thématique débattue et du texte choisi comme point de départ pour les échanges.

Enfin, l’articulation entre l’ensemble de ces résultats a permis d’enrichir la compréhension théorique et empirique des liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation. Tout d’abord, j’ai proposé un cadre théorique exploratoire afin d’expliquer les liens entre ces objets. Plus particulièrement et  au regard des résultats de ce travail de recherche, j’ai mobilisé d’une part les croyances sur la nature des connaissances et les représentations sur le débat des élèves. J’ai alors supposé que : les croyances ontologiques sur la nature des incertitudes des connaissances favorisent l’argumentation réflexive des élèves, et que les représentations du débat tournées vers des patterns interindividuels favorisent l’argumentation collaborative chez les élèves. Sur la base de l’articulation entre les résultats et de cette proposition théorique, j’ai alors tenté de questionner et d’affiner les principaux résultats identifiés dans la littérature sur les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation.

En guise de synthèse, j’ai alors montré en quoi l’ensemble des éléments discutés permet d’approfondir le cadre conceptuel de l’esprit critique proposé dans la littérature, et de penser des dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

En premier lieu, il convient de retenir que les représentations sur les connaissances et sur les opinions sont importantes à prendre en compte pour comprendre comment les apprenants :

  • débattent
  • évaluent des informations
  • construisent leur propre point de vue sur une thématique d’actualité
  • s’approprient les connaissances scientifiques
  • développent leur esprit critique.

Ces représentations peuvent être appréhendées par les enseignants grâce à des éléments de langages provenant des élèves en lien avec les catégories de réponse identifiées dans ce travail de recherche. Celles-ci sont principalement relatives aux :

  • incertitudes prises en compte par les élèves
  • méthodes, stratégies et critères envisagés et mobilisés pour amoindrir les incertitudes identifiées
  • aux buts que les élèves attribuent au débat entre pairs en classe et aux processus qu’ils considèrent comme étant pertinents pour résoudre un désaccord dans ce contexte.

Plus largement, plusieurs préconisations concernant le développement de dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS peuvent être formulées.

Tout  d’abord, il semble qu’un des leviers majeurs pour l’éducation à l’esprit critique concerne le développement du jugement réflexif. Celui-ci peut être compris comme renvoyant en partie aux croyances que les individus ont sur la nature des connaissances et des avis. À ce titre, les dispositifs éducatifs reposant sur un travail réflexif semblent particulièrement pertinents. À titre d’exemple, le dispositif didactique AREN prévoit des phases de synthèse en groupe qui visent justement à favoriser la réflexion des élèves. Ces phases de synthèse portaient sur des éléments spécifiques de l’argumentation. Il serait alors possible sur la base du même fonctionnement de proposer aux élèves de travailler sur des aspects concernant les connaissances, les avis et leurs liens possibles. Réaliser ce type de travail avec les élèves semble particulièrement important puisqu’ils montrent des difficultés à avoir une prise en compte ontologique de la nature des connaissances et des avis. Plus spécifiquement, ces réflexions doivent porter sur les incertitudes en lien avec ces objets épistémiques. Par ailleurs, les élèves ont  des difficultés à développer et/ou à prendre conscience des stratégies et des critères qu’ils mobilisent pour amoindrir les incertitudes. Un outil de guidage pertinent pour ce type de travail peut reposer sur les trois dimensions identifiées : ontologique, structurelle et généalogique. Celles-ci peuvent alors se présenter sous forme de schémas visuels que les élèves doivent compléter collectivement en renseignant des éléments caractéristiques de ces trois dimensions. Cela permettrait alors aux élèves une réflexion sur les propriétés intrinsèques, les sources, les incertitudes des connaissances et des opinions ainsi que leurs articulations possibles.

Un autre levier important concerne un travail explicite sur les buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser lors d’une activité épistémique. Les élèves considèrent majoritairement des buts non épistémiques aux débats c’est-à-dire qu’ils ont plutôt tendance à se saisir des débats comme d’un espace de conversation sans réel enjeu relatif aux connaissances. Par conséquent, il semble donc normal que les élèves aient en tête des critères et des processus en lien avec ces mêmes enjeux non épistémiques. Par exemple, un élève peut considérer que le but est de convaincre, que la règle cadrant le débat pour assurer ce but soit de ne pas être agressif avec les autres et qu’il n’y a pas de processus pertinent permettant de résoudre un conflit puisqu’il n’y a pas d’avis meilleur qu’un autre. Ces représentations du débat peuvent être considérées comme influençant les dispositions à argumenter de l’élève. L’enjeu est alors de réaliser un travail en groupe visant à discuter les différents buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser dans le cadre d’un débat collaboratif. La place de l’enseignant et son guidage sont primordiaux dans ce type de dispositif puisqu’au sein d’un groupe d’élèves, l’idée qu’un dé- bat puisse avoir des enjeux épistémiques peut ne pas émerger tant spontanément qu’après délibérations.

Concernant le développement des compétences argumentatives des élèves, il semble être notamment favorisé par la pratique de l’argumentation. Il convient donc de multiplier les activités dans lesquelles les élèves peuvent exercer leurs compétences argumentatives. Aussi, il semble préférable de varier les thématiques en jeu ainsi que les situations monologales (c’est-à-dire, l’individu argumente seul et sans prendre en compte autrui) et dialogales (c’est-à-dire, l’individu argumente en prenant en compte des arguments différents voire opposés à son point de vue) pour favoriser le transfert des compétences des élèves (Kuhn et al., 2016). Par exemple, le dispositif AREN propose une alternance entre des activités d’écriture d’argumentaire et des débats sur sujets différents mais toutefois renvoyant à la même QSS. De même que l’esprit critique doit passer par des activités visant à « apprendre à argumenter », d’autres dispositifs peuvent favoriser le fait d’« argumenter pour apprendre ». Plus spécifiquement, au-delà des enjeux d’appropriation de contenus disciplinaires, les situations argumentatives doivent être saisies comme des opportunités par les élèves pour se construire un point de vue argumenté. Une piste intéressante me semble être de mobiliser le modèle de l’argument de Toulmin (2008) comme outil didactique pour introduire ce qu’est un argument (l’articulation entre une thèse et une donnée) et quelles composantes de base peuvent s’y greffer pour venir complexifier sa structure (la garantie, le modalisateur, le fondement). Dans un second temps venir élargir cette structure de l’argument en montrant en quoi elle se co-construit en prenant en compte les arguments d’autrui (réfutations de la thèse, réfutation de la justification), en collaborant (par exemple nuances, concessions) et en ayant une argumentation réflexive (questions critiques et d’explicitations et justification).

De manière transversale, poser des questions critiques (Nussbaum, 2021) semble être un bon moyen pour guider la construction d’arguments complexes, les échanges de bonne qualité lors d’un débat mais aussi stimuler le développement de croyances épistémiques et de représentations du débat favorable à un bon esprit critique. Toutes ces propositions soulèvent la question de la formation des enseignants sur ce qu’est un argument, quels en sont les différents éléments, quelles fonctions ont ces éléments, ou encore quels buts épistémiques ont ces échanges argumentatifs pour les élèves.

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