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Mixité dans les groupes et créativité collective : études à grande échelle sur les effets de la composition des groupes sur la production d’idées

Laurine PETER

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche s’intéresse aux effets de la mixité de genre dans les groupes sur la production d’idées créatives. Deux questions principales sont posées ici : (1) comment composer les groupes sur la base des caractéristiques visibles comme le genre pour améliorer la production d’idées créatives, (2) quel est l’effet de la nature d’une tâche (stéréotypée ou non) sur la production d’idées créatives. Afin de répondre à ces questions, une épreuve de brainstorming électronique, permettant d’évaluer la créativité collective a été conceptualisée et implémentée sur une plateforme numérique, puis déployée dans une centaine de lycées professionnels français.

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

La créativité est une compétence du 21e siècle fondamentale au développement d’une société innovante (Ahmadi et Besançon, 2017). Elle est notamment définie par le fait de produire de nouvelles idées, solutions ou perspectives (Paulus et al., 2019). Plusieurs outils permettent de recueillir des scores de créativité, comme des questionnaires, mais ce ne sont généralement pas des mesures satisfaisantes puisqu’elles ne prédisent pas suffisamment les performances objectives (Haase et al., 2018). La production d’idées a souvent été mesurée dans les groupes à partir d’une technique de brainstorming. De plus, l’utilisation d’une version électronique de celle-ci apporte certains avantages comme la simultanéité dans la production d’idées qui empêche le processus de « blocage des productions » où le fait d’attendre son tour pour produire une idée verbalement réduit la quantité globale d’idées produites dans un laps de temps donné (Diehl et Stroebe, 1987).

Le brainstorming permet ainsi de recueillir plusieurs indicateurs clés lors de l’évaluation de la production d’idées créatives : la fluidité (le nombre d’idées produites), la flexibilité (le nombre de catégories sémantiques explorées) et l’originalité (la rareté des idées ; Guilford, 1950). D’autre part, des travaux plus récents — et réalisés plus particulièrement dans le cadre de la créativité collective — recommandent l’ajout d’indicateurs de clustering afin d’apporter des éléments de réponse quant à l’enchaînement des idées dans le groupe (Nijstad et Stroebe, 2006). Autrement dit, les idées produites successivement appartiennent-elles à une même catégorie sémantique (impliquant ainsi une association d’idées entre les membres du groupe) ou au contraire à des catégories sémantiques différentes ? Très peu de recherches antérieures prennent en considération l’ensemble de ces indicateurs dans l’évaluation de la créativité de groupe et aucune ne s’est intéressée aux effets de la composition des groupes sur les mesures de clustering.

Question 1 : comment composer les groupes sur la base des caractéristiques visibles comme le genre pour améliorer la production d’idées créatives ?

Les travaux portant sur les effets de la mixité de genre dans les groupes sur la créativité n’identifient pas clairement un consensus : certaines recherches montrent un effet bénéfique de la mixité de genre sur les performances créatives (Schruijer et Mostert, 1997), d’autres un effet négatif (Bell et al., 2011) et d’autres aucun effet (Herschel, 1994). Toutefois, le genre correspond à un indice visible permettant aux individus d’un même groupe de se catégoriser. Ainsi, sur la base  du modèle de Catégorisation-Élaboration (Van Knippenberg et al., 2004) reposant sur les processus de catégorisation sociale, les différences de genre dans un groupe peuvent être rendues saillantes (et donc, susciter davantage de visibilité) et auraient pour conséquence d’entraîner une « fracture » et l’apparition de sous-groupes néfaste à la cohésion du groupe (Mannix et Neale, 2005) et à la production d’idées créatives (Lau et Murnighan, 1998). En guise d’exemple, si une femme est amenée à produire des idées dans un groupe composé majoritairement d’hommes, la catégorie du genre et les différences au sein du groupe sont rendues saillantes, ce qui entraîne un risque de fracture dans le groupe et, potentiellement, des performances créatives plus faibles comparativement à un groupe composé uniquement d’hommes ou de femmes (où la catégorie du genre n’est pas rendue saillante).

Question 2 : quel est l’effet de la nature d’une tâche (stéréotypée ou non) sur la production d’idées créatives ?

La production d’idées créatives au sein des groupes mixtes pourrait être d’autant plus affectée négativement lors de la réalisation d’une tâche perçue comme stéréotypée — puisqu’elle rendrait les différences de genre au sein du groupe encore plus saillantes —, augmentant ainsi le risque de « fracture » entre les membres du groupe (Pearsall et al., 2008). Autrement dit, le fait de rendre saillantes les catégories de genre à partir de tâches stéréotypées devrait avoir une influence sur la production d’idées dans les groupes.

Pour conclure, le manque de consensus sur les effets de la mixité de genre sur divers indicateurs de production d’idées créatives dans les groupes suggère de prêter une attention particulière à cette problématique. Le brainstorming électronique, de par les avantages qu’il peut conférer comparativement à sa version classique, s’avère être un outil pertinent pour produire des idées en groupe et, ainsi, comparer les performances créatives obtenues selon la composition des groupes. Face au risque de sous-division du groupe et un potentiel effet délétère sur la créativité, la perception genrée de la tâche devrait également être prise en considération.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

Trois études composent ce travail de recherche, utilisant pour chacune d’entre elles une méthodologie de recherche similaire. Au sein du projet ProFAN, deux cohortes de lycéen·ne·s (en classe de 1ère), inscrit·e·s dans l’une des trois filières professionnelles « Accompagnement, Soins et Services à la Personne » (ASSP), « Commerce » et « Métiers de l’Électricité et de ses Environnements Connectés » (MELEC), ont été suivies.

Au sein de chaque établissement, les élèves d’une même classe (et donc, issus de la même filière) étaient installés individuellement devant un ordinateur et se connectaient sur la plateforme numérique créée spécifiquement pour le projet ProFAN. Ils étaient par la suite répartis aléatoirement dans des groupes de trois ou quatre élèves, et devaient réaliser une tâche de brainstorming électronique. Ils avaient ainsi pour consigne de trouver le plus d’utilisations possibles d’une boîte en carton (tâche neutre) ou d’une boîte en métal (tâche stéréotypée) pendant dix minutes1. Les élèves communiquaient entre eux uniquement par l’intermédiaire d’un outil de conversation textuelle (voir Figure 1).

Capture d'écran de l’interface du brainstorming électronique. Description détaillée ci-dessous.
Figure 1 – Capture d’écran de l’interface du brainstorming électronique.
Note. Les noms et prénoms des participant·e·s sur l’interface sont fictifs.

À la suite de la passation de la tâche de brainstorming électronique, un codage minutieux des idées a permis l’obtention de plusieurs indicateurs. Ainsi, le nombre d’idées produites (fluidité), le nombre de catégories sémantiques2 explorées (flexibilité) et la rareté des idées (originalité) ont été codés par élève et par groupe. Parallèlement, plusieurs indicateurs liés au clustering ont également été calculés pour évaluer l’enchaînement des idées dans les groupes, incluant notamment la mesure d’ARC (Adjusted Ratio of Clustering).

Les études 1 et 2 ont impliqué tous les élèves (avec des groupes de trois) issus des trois filières, mais ont chacune pris en considération une cohorte de lycéen·ne·s distincte afin d’observer si des résultats similaires étaient obtenus entre les deux cohortes. Ainsi, 2 085 élèves ont participé à la première étude, et 2 580 élèves à la deuxième étude.

Toutefois, ces deux études ont présenté comme limite principale d’inclure des filières avec des répartitions de genre très différentes au sein de celles-ci (95 % de femmes en ASSP et 98 % d’hommes en MELEC), ce qui pouvait dissimuler un potentiel effet de filière. L’étude 3 s’est donc attachée à impliquer 1 749 lycéen·ne·s inscrit·e·s uniquement dans la filière « Commerce », dans laquelle les proportions d’hommes et de femmes était les plus équilibrées. De plus, cette troisième étude a également inclus les groupes composés de quatre élèves afin d’ajouter une condition équitablement mixte (groupes composés de deux hommes et deux femmes).

La composition des groupes en fonction du genre a donc été réalisée a posteriori. Ainsi, dans les trois études, les performances créatives des conditions suivantes ont été comparées :

  • les groupes composés uniquement de femmes ;
  • les groupes avec un homme seul parmi une majorité de femmes (homme « solo ») ;
  • les groupes équitablement mixtes avec autant d’hommes que de femmes (condition ajoutée uniquement dans l’étude 3) ;
  • les groupes avec une femme parmi une majorité d’hommes (femme « solo ») ;
  • les groupes composés uniquement d’hommes.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Question 1. L’étude 1 portant sur la première cohorte d’élèves fait apparaître que les groupes composés uniquement de femmes produisent des idées plus nombreuses et plus originales que les groupes mixtes et ceux composés uniquement d’hommes. Ces derniers présentent par ailleurs les scores les plus faibles. Toutefois, il n’y a pas de différence entre les diverses compositions de groupe sur les indicateurs de flexibilité (catégories explorées) et d’ARC (enchaînement des idées). Les mêmes résultats sont obtenus dans l’étude 2 auprès d’élèves de la deuxième cohorte. L’ensemble de ces résultats suggère donc que les groupes de femmes seraient plus créatives que les groupes mixtes et les groupes d’hommes. Les résultats de l’étude 33 — réalisée auprès des élèves de la filière Commerce et incluant les groupes de quatre élèves — font de nouveau apparaître que les groupes composés uniquement de femmes produisent plus d’idées (fluidité) que les groupes « solo » avec un homme seul ou une femme seule dans le groupe et que les groupes composés exclusivement d’hommes. En revanche, il n’y a pas de différence significative entre les groupes de femmes et les groupes avec deux hommes et deux femmes sur le nombre d’idées produites. D’autre part, il apparait également que les groupes de femmes explorent davantage de catégories sémantiques (flexibilité) et produisent des idées plus originales (originalité) que les groupes « solo » avec une femme seule. Il n’y pas de différence observée avec les autres formes de composition de groupe.

Question 2. L’étude 1 ne montre pas de différence entre les deux tâches réalisées (boîte en carton vs. boîte en métal) sur les indicateurs de production d’idées. En somme, les groupes mixtes ont globalement obtenu les mêmes scores de fluidité et d’originalité sur les deux types de tâches. En revanche, l’étude 2 ne confirme pas ce résultat. En effet, les groupes mixtes ayant réalisé la tâche « Boîte en métal » (stéréotypée masculine) obtiennent des scores de production d’idées plus élevés que les groupes mixtes ayant réalisé la tâche « Boîte en carton » (neutre). De son côté, l’étude 3 met également en exergue que les scores sont plus élevés (et ce, peu importe la composition du groupe) lors de la réalisation de la tâche « Boîte en métal » que lors de la tâche « Boîte en carton ». Ainsi, contrairement à nos attentes, la tâche stéréotypée masculine n’a pas entraîné une fracture dans le groupe mais, au contraire, a entraîné une production d’idées plus nombreuses et plus originales que la tâche neutre.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

  • La compétence des élèves à produire des idées créatives peut être mesurée avec une tâche de brainstorming, ce qui permet l’obtention de plusieurs indicateurs de pensée divergente (notamment la fluidité, la flexibilité et l’originalité). Il est cependant important de garder à l’esprit que ce type d’exercice renvoie à une forme particulière de la créativité, focalisée sur le flot d’idées produites par les individus seuls ou en groupe.

  • Lors de séances de brainstorming en groupe — où l’objectif est de produire de nombreuses idées — la composition des groupes en fonction du genre des élèves n’est pas à négliger. Pour optimiser la production d’idées, les groupes uniquement composés de femmes ou les groupes composés d’un même nombre d’hommes et de femmes seraient à privilégier, tandis que les groupes avec un membre « solo » (une femme ou un homme seul·e dans le groupe) et les groupes composés exclusivement d’hommes seraient à éviter.

  • Le thème proposé lors d’une séance de brainstorming semble avoir une importance (Pearsall et al., 2008) mais les résultats obtenus ne vont pas dans le sens de nos attentes. En effet, nous pouvons penser que, dans nos trois études, la tâche de la « boîte en métal » n’était pas suffisamment genrée masculine pour avoir un effet délétère sur les performances créatives des groupes mixtes. La nature de la tâche à réaliser pourrait cependant être un critère à prendre en considération.

  • Des techniques de brainstorming peuvent permettre aux élèves à la fois de développer leurs compétences créatives (produire des idées, trouver une solution à un problème, etc.), mais aussi de développer les compétences à collaborer et à communiquer avec les autres. En cela, inclure des séances comme celles-ci au sein des classes pourraient être bénéfiques au développement des compétences du 21e siècle.

Notes de bas de page :

  1. Afin de répondre à notre deuxième question de recherche, un prétest avait été réalisé en amont auprès de 62 de lycéen·ne·s qui ne faisaient pas partie de l’expérimentation ProFAN. Il est apparu que la tâche « boîte en métal » était perçue comme plus masculine que la « boîte en carton », elle-même considérée comme neutre. Nous pouvons ainsi nous attendre à des performances créatives détériorées au sein des groupes mixtes lors de la réalisation de la tâche « stéréotypée » (boîte en métal) comparativement à la réalisation de la tâche neutre (boîte en carton). ↩︎
  2. Dix catégories sémantiques ont été créées : « Meubles et articles ménagers », « Utilisation artistique », « Fournitures de bureau », « Faune et flore », « Mécanique, bricolage et outillage », « Jeux, jouets et sport », « Vêtements, bijoux et accessoires », « Récipients », « Bâtiments et travaux publics », « Moyens de transport ». ↩︎
  3. Les résultats de l’étude 3 ont été publiés dans une revue scientifique : voir Peter et al. (2021). ↩︎

Références

Ahmadi, N. et Besançon, M. (2017). Creativity as a stepping stone towards developing other competencies in classrooms. Education Research International, 2017. https://doi.org/gmm4mq

Bell, S. T., Villado, A. J., Lukasik, M. A., Belau, L. et Briggs, A. L. (2011). Getting specific about demographic diversity variable and team performance relationships : A meta-analysis. Journal of Management, 37(3), 709-743. https://doi.org/d58wkt

Diehl, M. et Stroebe, W. (1987). Productivity loss in brainstorming groups : Toward the solution of a riddle. Journal of Personality and Social Psychology, 53(3), 497. https://doi.org/dqwf6j

Guilford, J. (1950). Creativity. American psychology. https://doi.org/fxdfvn

Haase, J., Hoff, E. V., Hanel, P. H. et Innes-Ker, Å. (2018). A meta-analysis of the relation between creative self-efficacy and different creativity measurements. Creativity Research Journal, 30(1), 1-16. https://doi.org/gc2ck3

Herschel, R. T. (1994). The impact of varying gender composition on group brainstorming performance in a GSS environment. Computers in Human Behavior, 10(2), 209-222. https://doi.org/d9tfkz

Lau, D. C. et Murnighan, J. K. (1998). Demographic diversity and faultlines : The compositional dynamics of organizational groups. Academy of Management Review, 23(2), 325-340. https://doi.org/bwhvjr Mannix, E. et Neale, M. A. (2005). What differences make a difference? The promise and reality of diverse teams in organizations. Psychological Science in the Public Interest, 6(2), 31-55. https://doi.org/cx352h

Nijstad, B. A. et Stroebe, W. (2006). How the group affects the mind : A cognitive model of idea generation in groups. Personality and Social Psychology Review, 10(3), 186-213. https://doi.org/ccnhq6

Paulus, P. B., Coursey, L. E. et Kenworthy, J. B. (2019). Divergent and convergent collaborative creativity. The Palgrave Handbook of Social Creativity Research (p. 245-262). Springer. https://doi.org/fzst

Pearsall, M. J., Ellis, A. P. et Evans, J. M. (2008). Unlocking the effects of gender faultlines on team creativity : Is activation the key? Journal of Applied Psychology, 93(1), 225. https://doi.org/cp4nhr

Peter, L., Michinov, N., Besançon, M., Michinov, E., Juhel, J., Brown, G., Jamet, E., Cherbonnier, A., Anatolia, B., Fabrizio, B. et al., (2021). Revisiting the effects of gender diversity in small groups on divergent thinking : A large-scale study using synchronous electronic brainstorming. Frontiers in Psychology, 4634. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2021.723235

Schruijer, I. et Mostert, S. G. L. (1997). Creativity and sex composition : An experimental illustration. European Journal of Work and Organizational Psychology, 6(2), 175-182. https://doi.org/c9k5p9

Van Knippenberg, D., De Dreu, C. K. et Homan, A. C. (2004). Work group diversity and group perfor- mance : an integrative model and research agenda. Journal of Applied Psychology, 89(6), 1008. https://doi.org/c9k

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Liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation de lycéens sur des questions socio-scientifiques : quels apports pour l’éducation à l’esprit critique ?

Kévin De CHECCHI

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche s’intéresse aux représentations que les élèves ont sur les connaissances et sur les opinions et les liens avec leur manière d’argumenter. Ces éléments amènent à compléter les cadres conceptuels de l’esprit critique afin de penser le développement de dispositifs éducatifs. La question de recherche principale que j’explore à travers ce travail de recherche est : quels liens les croyances sur les connaissances et sur les avis, les représentations du débat et l’argumentation sur des questions socio-scientifiques de lycéens entretiennent-elles ?

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

Permettre aux élèves, futurs citoyens, de développer leur esprit critique est un enjeu majeur de nos sociétés. En effet, disposer d’un esprit critique permet aux élèves de prendre part de façon éclairée aux débats de société (Gaussel, 2016). En particulier, les Questions Socio-Scientifiques (QSS) sur de sujets tels que le réchauffement climatique, la mondialisation ou l’intelligence artificielle, engagent le futur de notre société et doivent pouvoir être débattues par des citoyens responsables. Dans la littérature, l’esprit critique a notamment été défini comme renvoyant à « une pensée réflexive raisonnable » (Ennis, 1985, p. 45), ou encore comme « un jugement réflexif autorégulé » (Facione, 1990, p. 38). Or cette « pensée » et ce « jugement » dépendent, au moins en partie, des croyances épistémiques, c’est-à-dire les croyances sur les connaissances et le fait de connaître (Kitchener et King, 1981).

Pour illustrer la place que ces croyances peuvent avoir dans la vie des citoyens, Hofer (2004) donne l’exemple d’une situation (qui nous est maintenant familière…) qui décrit les différents questionnements que peut avoir un individu pour l’aider à prendre une décision :

« Imaginez que vous venez d’apprendre que vous êtes atteint d’une maladie dont vous ne savez pas grand-chose. Allez-vous accepter le diagnostic de votre médecin comme étant le dernier mot sur la question, ou bien allez-vous chercher à approfondir vos propres connaissances sur ce sujet ? Si vous choisissez de chercher des informations supplémentaires, où allez-vous chercher ? Allez-vous consulter d’autres membres du personnel médical, demander leur avis à des amis et des parents, examiner des revues ou des livres, regarder sur des sites internet ? » (Hofer, 2004, p. 43)

Ces croyances épistémiques peuvent être résumées en trois grands profils (Kuhn et al., 2000). Les individus absolutistes considèrent que les connaissances sont objectives et certaines et qu’elles sont accessibles grâce à une autorité considérée par l’individu comme légitime. Les multiplistes considèrent eux que les connaissances sont incertaines et subjectives. De ce fait, les connaissances prennent le statut d’opinions personnelles librement choisies par les individus. Toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de croire ce que bon lui semble. Enfin, les individus évaluatistes intègrent la dimension objective et subjective des connaissances. Ces derniers, conscients du caractère incertain des connaissances, les évaluent en mobilisant des critères afin d’en déterminer leur valeur de vérité.

Par ailleurs, l’esprit critique a été décrit comme renvoyant en partie à des dispositions et des compétences argumentatives (Ennis, 2011 ; Facione, 1990 ; Schwarz, 2009). D’ailleurs, l’intérêt pour l’enseignement et l’apprentissage de l’argumentation est de plus en plus présent dans la recherche depuis une vingtaine d’années (Erduran et al., 2004). Or, un des facteurs qu’il semble important à explorer pour favoriser une argumentation de bonne qualité chez les élèves concerne leurs croyances épistémiques (Hofer et Pintrich, 1997 ; Kuhn et al., 2000). En effet, plusieurs études montrent que plus un individu a des croyances épistémiques élaborées, plus son argumentation est de bonne qualité (Kienhues et al., 2008 ; Kuhn, 1991 ; Mason et Scirica, 2006 ; Noroozi, 2018). Néanmoins, ces études considèrent les croyances épistémiques de façon générale et décontextualisée et non comme devant être situées à l’activité épistémique en jeu. En outre, ces mêmes études proposent pour la plupart une approche quantitative ne décrivant pas de manière fine les croyances épistémiques des élèves et leur argumentation.

Au regard de l’ensemble de ces éléments théoriques et empiriques, ce travail de recherche propose :

  • de décrire de manière fine et située les croyances épistémiques notamment en les articulant avec les représentations des individus concernant l’activité épistémique en jeu. Cette démarche vise à approfondir, voire à remettre en question les profils et les dimensions identifiés dans la littérature qui sont utilisés pour étudier les croyances épistémiques ;
  • de questionner les résultats théoriques et empiriques concernant les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation qui sont décrits de manière générale dans la littérature. Notamment, les auteurs n’explicitent pas le cadre argumentatif en jeu dans leur contexte de recherche qui guide la construction de leurs grilles d’analyse ainsi que l’interprétation de leurs résultats ;
  • d’opérer une distinction dans le contexte des QSS concernant les objets épistémiques (connaissance et avis) qui doivent être décrits comme renvoyant aux croyances épistémiques ;
  • d’articuler l’ensemble des éléments théoriques abordés précédemment autour d’une conceptualisation enrichie de l’esprit critique.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

La démarche

La méthodologie mobilisée dans ce travail de recherche est définie comme étant « semi-écologique » : le dispositif est co-construit entre l’équipe de recherche, les enseignants et les élèves. Cette approche permet d’élaborer des séquences adaptées au niveau des élèves, aux pratiques et aux choix pédagogiques des enseignants. Cette démarche favorise la transférabilité des séquences didactiques en dehors du contexte spécifique du projet de recherche AREN (projet dans lequel s’inscrit ce travail de recherche) et sa mobilisation en classe par les enseignants.

La séquence didactique

Une séquence didactique AREN se compose dans l’ordre : d’une phase préparatoire dévolue à l’enseignement de contenus disciplinaires (c’est-à-dire, travail « classique » des contenus disciplinaires avec les élèves), la passation d’un pré-test, un débat sur la plateforme numérique AREN, un travail de synthèse réflexif sur les arguments produits pendant le débat et la passation d’un post-test.

Participants, outils et données recueillies

L’ensemble des données de ce travail de recherche a été recueilli sur deux ans, impliquant au total deux classes et 12 élèves. La première année les élèves étaient en classe de 1ère et la deuxième année de l’étude ils étaient en classe de Terminal. Ces données sont issues à la fois du dispositif didactique AREN, de pré-tests et de post-tests, mais également d’entretiens.

Les entretiens semi-directifs visaient à décrire finement les croyances épistémiques des élèves sur les connaissances et les avis, et leurs représentations du débat. La conduite des entretiens avec les élèves a été inspirée par l’entretien d’explicitation de Vermersch (2010). Ce type d’entretien aide notamment les individus à verbaliser leurs actions passées ou leurs croyances relatives à un objet particulier. Il favorise la prise de conscience provoquée. Les quatre premières questions portaient spécifiquement sur le contexte du débat. Celles-ci ont été pensées en lien avec le modèle AIR de Chinn et al., (2014). Ce modèle en trois composantes s’intéresse au but épistémique, aux critères permettant de savoir si le but a été atteint, et aux processus pertinents à mobiliser pour atteindre le but épistémique visé. Les quatre autres questions visaient à explorer les croyances épistémiques des individus à la fois concernant les connaissances, les avis et les liens possibles entre les deux. À titre d’exemple, pendant les entretiens, les questions suivantes ont été posées aux élèves : « Pourquoi est-ce que l’on débat ? », « Si quelqu’un n’est pas d’accord avec toi pendant le débat, que se passe-t-il ? », « Est-ce que pour toi c’est possible que quelqu’un ait le meilleur avis ? ».

Les interventions des élèves analysées proviennent des quatre débats qui se sont déroulés pendant leur année de 1ère et de Terminale. Chaque débat débutait par la lecture d’un texte en lien avec une question socio-scientifique. La thématique abordée et le sujet du texte ont été choisis conjointement entre l’équipe de recherche AREN et les enseignants. Par exemple, pour le premier débat, certains élèves ont débattu à partir d’un texte sur les chantiers de forage au large de la Guyane par Total alors que d’autres ont eu un texte sur l’usage des OGM Bt comme insecticide. Les interventions des élèves ont été analysées à l’aide de la grille développée par Pallares (2019) dans le cadre du projet AREN. La grille d’analyse a été construite de manière à prendre en compte les spécificités de l’argumentation sur des QSS. Elle permet de décrie les interventions des élèves en termes de « mouvements argumentations » (par exemple, développement, réfutation, nuance, questionnement) et « d’affinement de contenu » (par exemple, domaine de validité, prise en compte de l’ouverture et de l’incertitude de la QSS).

Les pré-/post-tests étaient donnés à remplir par les élèves avant et après chaque débat au sein d’une séquence didactique AREN. Chacun de ces tests comportait : une échelle de Likert sur laquelle l’élève devait se positionner au regard d’une assertion en lien avec la QSS abordée pendant le débat; une partie argumentaire où l’élève devait expliquer son positionnement; et deux questions dans la visée n’étaient pas les mêmes entre les pré-tests et les post-tests. Dans les pré-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que quelqu’un peut avoir un avis acceptable sur ce sujet, et pourquoi ? », et « Peut-on être certain sur ce sujet, et pourquoi ? ». Ces deux questions visent à mettre en lumière les représentations des élèves concernant l’ouverture (pour la première question) et la présence d’incertitudes (pour la deuxième question) concernant la QSS en jeu. Dans les post-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que tu as changé d’avis ou nuancé ta position? Pourquoi ? », et « Penses-tu que le débat en classe t’a apporté quelque chose ? Si oui, précise ce que cela t’a apporté. Si non, explique pourquoi. ». Ces questions ont pour but d’affiner les représentations du débat des élèves au regard de la perception qu’ils ont des apports des débats ayant eu lieu sur la plateforme numérique AREN.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Au regard des analyses effectuées, plusieurs résultats importants ressortent de ce travail de recherche concernant les croyances épistémiques, les représentations du débat, leurs liens avec l’argumentation des élèves et l’éducation à l’esprit critique. Plus spécifiquement, les résultats empiriques viennent étayer la proposition théorique concernant la prise en compte des avis dans l’étude des croyances épistémiques. En effet, la description fine des croyances sur les connaissances et les avis montrent qu’inclure ces deux objets épistémiques permet : une meilleure compréhension des croyances épistémiques des élèves, un affinement avec les profils plus ou moins élaborés identifiés dans la littérature, d’identifier d’autres dimensions pour les décrire (dimension ontologique, c’est-à-dire, comment les élèves définissent-ils les connaissances et les opinions ? ; généalogique, c’est-à-dire, d’où proviennent les connaissances et les opinions ? ; et structurelle, c’est-à-dire, quels liens existent-ils entre les connaissances et les opinions ?).

En outre, l’analyse des représentations des élèves montre que : les élèves n’attribuent pas toujours de buts et de processus épistémiques au débat, les processus considérés comme pertinents semblent pouvoir être classés en deux patterns en fonction de s’ils sont plutôt tournés vers de l’intrapersonnel ou de l’interpersonnel. Les réponses aux questions des pré-/post-tests ont permis d’affiner la compréhension des représentations du débat en précisant que dans le cadre des débats AREN les élèves : déclarent des apports différents en fonction du débat, considèrent ne pas avoir changé de points de vue mais avoir toutefois appris, définissent de manière floue des termes et expressions comme changer d’avis ou encore nuancer sa position, ont des représentations variables sur les QSS et parfois en décalage avec les attendus éducatifs.

Concernant l’argumentation des élèves, un des résultats principaux concerne l’identification de critères permettant de décrire finement la manière d’argumenter des élèves en fonction : des principaux mouvements argumentatifs qu’ils ont produits, qu’ils ont justifiés et la qualité des affinements de contenu qu’ils ont apportés. Sur cette base, l’évaluation de la qualité de l’argumentation des élèves a montré un lien fort entre ces trois indicateurs qui évoluent de façon homogène : plus un élève produit des mouvements argumentatifs différents, plus il les justifie et plus il apporte d’affinements de contenu de qualité. Aussi, en adéquation avec les précédentes études conduites dans le projet AREN (Pallares, 2019 ; Pallares et al., 2020), l’argumentation des élèves varie fortement entre les débats, notamment au regard de la thématique débattue et du texte choisi comme point de départ pour les échanges.

Enfin, l’articulation entre l’ensemble de ces résultats a permis d’enrichir la compréhension théorique et empirique des liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation. Tout d’abord, j’ai proposé un cadre théorique exploratoire afin d’expliquer les liens entre ces objets. Plus particulièrement et  au regard des résultats de ce travail de recherche, j’ai mobilisé d’une part les croyances sur la nature des connaissances et les représentations sur le débat des élèves. J’ai alors supposé que : les croyances ontologiques sur la nature des incertitudes des connaissances favorisent l’argumentation réflexive des élèves, et que les représentations du débat tournées vers des patterns interindividuels favorisent l’argumentation collaborative chez les élèves. Sur la base de l’articulation entre les résultats et de cette proposition théorique, j’ai alors tenté de questionner et d’affiner les principaux résultats identifiés dans la littérature sur les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation.

En guise de synthèse, j’ai alors montré en quoi l’ensemble des éléments discutés permet d’approfondir le cadre conceptuel de l’esprit critique proposé dans la littérature, et de penser des dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

En premier lieu, il convient de retenir que les représentations sur les connaissances et sur les opinions sont importantes à prendre en compte pour comprendre comment les apprenants :

  • débattent
  • évaluent des informations
  • construisent leur propre point de vue sur une thématique d’actualité
  • s’approprient les connaissances scientifiques
  • développent leur esprit critique.

Ces représentations peuvent être appréhendées par les enseignants grâce à des éléments de langages provenant des élèves en lien avec les catégories de réponse identifiées dans ce travail de recherche. Celles-ci sont principalement relatives aux :

  • incertitudes prises en compte par les élèves
  • méthodes, stratégies et critères envisagés et mobilisés pour amoindrir les incertitudes identifiées
  • aux buts que les élèves attribuent au débat entre pairs en classe et aux processus qu’ils considèrent comme étant pertinents pour résoudre un désaccord dans ce contexte.

Plus largement, plusieurs préconisations concernant le développement de dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS peuvent être formulées.

Tout  d’abord, il semble qu’un des leviers majeurs pour l’éducation à l’esprit critique concerne le développement du jugement réflexif. Celui-ci peut être compris comme renvoyant en partie aux croyances que les individus ont sur la nature des connaissances et des avis. À ce titre, les dispositifs éducatifs reposant sur un travail réflexif semblent particulièrement pertinents. À titre d’exemple, le dispositif didactique AREN prévoit des phases de synthèse en groupe qui visent justement à favoriser la réflexion des élèves. Ces phases de synthèse portaient sur des éléments spécifiques de l’argumentation. Il serait alors possible sur la base du même fonctionnement de proposer aux élèves de travailler sur des aspects concernant les connaissances, les avis et leurs liens possibles. Réaliser ce type de travail avec les élèves semble particulièrement important puisqu’ils montrent des difficultés à avoir une prise en compte ontologique de la nature des connaissances et des avis. Plus spécifiquement, ces réflexions doivent porter sur les incertitudes en lien avec ces objets épistémiques. Par ailleurs, les élèves ont  des difficultés à développer et/ou à prendre conscience des stratégies et des critères qu’ils mobilisent pour amoindrir les incertitudes. Un outil de guidage pertinent pour ce type de travail peut reposer sur les trois dimensions identifiées : ontologique, structurelle et généalogique. Celles-ci peuvent alors se présenter sous forme de schémas visuels que les élèves doivent compléter collectivement en renseignant des éléments caractéristiques de ces trois dimensions. Cela permettrait alors aux élèves une réflexion sur les propriétés intrinsèques, les sources, les incertitudes des connaissances et des opinions ainsi que leurs articulations possibles.

Un autre levier important concerne un travail explicite sur les buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser lors d’une activité épistémique. Les élèves considèrent majoritairement des buts non épistémiques aux débats c’est-à-dire qu’ils ont plutôt tendance à se saisir des débats comme d’un espace de conversation sans réel enjeu relatif aux connaissances. Par conséquent, il semble donc normal que les élèves aient en tête des critères et des processus en lien avec ces mêmes enjeux non épistémiques. Par exemple, un élève peut considérer que le but est de convaincre, que la règle cadrant le débat pour assurer ce but soit de ne pas être agressif avec les autres et qu’il n’y a pas de processus pertinent permettant de résoudre un conflit puisqu’il n’y a pas d’avis meilleur qu’un autre. Ces représentations du débat peuvent être considérées comme influençant les dispositions à argumenter de l’élève. L’enjeu est alors de réaliser un travail en groupe visant à discuter les différents buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser dans le cadre d’un débat collaboratif. La place de l’enseignant et son guidage sont primordiaux dans ce type de dispositif puisqu’au sein d’un groupe d’élèves, l’idée qu’un dé- bat puisse avoir des enjeux épistémiques peut ne pas émerger tant spontanément qu’après délibérations.

Concernant le développement des compétences argumentatives des élèves, il semble être notamment favorisé par la pratique de l’argumentation. Il convient donc de multiplier les activités dans lesquelles les élèves peuvent exercer leurs compétences argumentatives. Aussi, il semble préférable de varier les thématiques en jeu ainsi que les situations monologales (c’est-à-dire, l’individu argumente seul et sans prendre en compte autrui) et dialogales (c’est-à-dire, l’individu argumente en prenant en compte des arguments différents voire opposés à son point de vue) pour favoriser le transfert des compétences des élèves (Kuhn et al., 2016). Par exemple, le dispositif AREN propose une alternance entre des activités d’écriture d’argumentaire et des débats sur sujets différents mais toutefois renvoyant à la même QSS. De même que l’esprit critique doit passer par des activités visant à « apprendre à argumenter », d’autres dispositifs peuvent favoriser le fait d’« argumenter pour apprendre ». Plus spécifiquement, au-delà des enjeux d’appropriation de contenus disciplinaires, les situations argumentatives doivent être saisies comme des opportunités par les élèves pour se construire un point de vue argumenté. Une piste intéressante me semble être de mobiliser le modèle de l’argument de Toulmin (2008) comme outil didactique pour introduire ce qu’est un argument (l’articulation entre une thèse et une donnée) et quelles composantes de base peuvent s’y greffer pour venir complexifier sa structure (la garantie, le modalisateur, le fondement). Dans un second temps venir élargir cette structure de l’argument en montrant en quoi elle se co-construit en prenant en compte les arguments d’autrui (réfutations de la thèse, réfutation de la justification), en collaborant (par exemple nuances, concessions) et en ayant une argumentation réflexive (questions critiques et d’explicitations et justification).

De manière transversale, poser des questions critiques (Nussbaum, 2021) semble être un bon moyen pour guider la construction d’arguments complexes, les échanges de bonne qualité lors d’un débat mais aussi stimuler le développement de croyances épistémiques et de représentations du débat favorable à un bon esprit critique. Toutes ces propositions soulèvent la question de la formation des enseignants sur ce qu’est un argument, quels en sont les différents éléments, quelles fonctions ont ces éléments, ou encore quels buts épistémiques ont ces échanges argumentatifs pour les élèves.

Références

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Ennis, R. (2011). Critical thinking : Reflection and perspective Part II. Inquiry : Critical Thinking across the Disciplines, 26(2), 5-19.

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Erduran, S., Simon, S. et Osborne, J. (2004). TAPping into argumentation : Developments in the application of Toulmin’s argument pattern for studying science discourse. Science Education, 88(6), 915-933. Facione, P. (1990). Critical thinking : A statement of expert consensus for purposes of educational assessment and instruction (The Delphi Report). Research findings and recommendations. Netwark. DE : American Philosophical Association.

Gaussel, M. (2016). Développer l’esprit critique par l’argumentation : de l’élève au citoyen. Dossier de veille de l’IFÉ, 108, 1-24.

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Hofer, B. K. et Pintrich, P. R. (1997). The development of epistemological theories : Beliefs about knowledge and knowing and their relation to learning. Review of Educational Research, 67(1), 88-140.

Kienhues, D., Bromme, R. et Stahl, E. (2008). Changing epistemological beliefs : The unexpected impact of a short-term intervention. British Journal of Educational Psychology, 78(4), 545-565.

Kitchener, K. S. et King, P. M. (1981). Reflective judgment : Concepts of justification and their relationship to age and education. Journal of Applied Developmental Psychology, 2(2), 89-116.

Kuhn, D. (1991). The skills of argument. Dans J. Adler et L. Rips (dir.), Studies of Human Inference and Its Foundations (p. 678-693). Cambridge University Press.

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Kuhn, D., Hemberger, L. et Khait, V. (2016). Argue with me : Argument as a path to developing students’ thinking and writing (2e éd.). Routledge.

Mason, L. et Scirica, F. (2006). Prediction of students’ argumentation skills about controversial topics by epistemological understanding. Learning and Instruction, 16(5), 492-509.

Noroozi, O. (2018). Considering students’ epistemic beliefs to facilitate their argumentative discourse and attitudinal change with a digital dialogue game. Innovations in Education and Teaching International, 55(3), 357-365.

Nussbaum, E. M. (2021). Critical integrative argumentation : Toward complexity in students’ thinking. Educational Psychologist, 56(1), 1-17.

Pallares, G. (2019). Développer les compétences argumentatives de lycéens par des débats numériques sur des questions socio-scientifiques. Vers une didactique de l’argumentation et de l’esprit critique [thèse de doctorat, Université de Montpellier, Montpellier, France].

Pallares, G., Bächtold, M. et Munier, V. (2020). Des débats numériques pour développer les compétences argumentatives des élèves sur des questions socio-scientifiques? Recherches en didactique des sciences et des technologies, (22), 265-301. https://doi.org/10.4000/rdst.3573

Schwarz, B. B. (2009). Argumentation and Learning. Dans Argumentation and Education (p. 91-126). Springer.

Toulmin, S. (2008). The Uses of Argument (8e éd.). Cambridge University Press. Vermersch, P. (2010). L’entretien d’explicitation (6e éd.). ESF Paris.

Vermersch, P. (2010). L’entretien d’explicitation (6e éd.). ESF Paris.

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Étude des conditions de viabilité d’une approche basée sur l’algorithmique et la programmation pour l’apprentissage de la division euclidienne à l’école primaire

Rosamaria CRISCI

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

L’objectif de notre recherche est de contribuer à l’étude des conditions de viabilité d’une approche basée sur l’algorithmique et la programmation pour l’enseignement et l’apprentissage de notions ma- thématiques à l’école primaire. Il s’agit d’un sujet novateur et important dans le contexte institutionnel national et international. En effet, les programmes scolaires ministériels demandent, depuis 2016, une initiation à la programmation dès l’école primaire. Nous nous inscrivons dans le cadre du projet EXPIRE (EXpérimenter la Pensée Informatique pour la Réussite de Elèves) retenu en réponse à l’appel e-FRAN. Les questions auxquelles notre étude tente de répondre sont : est-il possible de concevoir des séquences d’enseignement/apprentissage de notions mathématiques à l’école primaire fondées sur une dimension algorithmique ? Ce type de séquences est-il viable dans le curriculum de l’école primaire française ? Comment les enseignants s’approprient-ils ces séquences ?

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

Question 1 : est-il possible de concevoir des séquences d’enseignement/apprentissage de notions mathé- matiques à l’école primaire fondées sur une dimension algorithmique ?
À partir des années 80 la recherche nationale et internationale en didactique des mathématiques s’intéresse aux problématiques liées à l’introduction de l’algorithmique et de la programmation informa- tique à tous niveaux scolaires. Plusieurs travaux, comme ceux de Bideault (1985), Noss (1986), Sutherland (1989), Bertrand (1990) ou Temperman et al., (2014) ont essayé de comprendre si des activités basées sur la programmation (en Logo) permettent de développer chez les élèves des capacités particulières en mathématiques, avec des résultats discordants. Notre proposition diffère de ces travaux en ce que nous ne souhaitons pas créer une activité purement basée sur l’algorithmique, activité qui par ailleurs provoquerait un transfert d’apprentissages en mathématiques. Nous utilisons l’algorithmique dans le cadre de séquences didactiques en mathématiques. Elle est intégrée dans les procédures de résolution, et sert de vecteur d’apprentissage des notions mathématiques visées.

Question 2 : ce type de séquences est-il viable dans le curriculum de l’école primaire française ? 
L’informatique ne constitue pas une discipline au sein de l’école primaire française. Pour cette raison nous proposons d’intégrer une initiation à l’algorithmique/programmation dans l’enseignement des mathématiques. Les séquences d’enseignement sont centrées sur des notions mathématiques très importantes (par exemple la division euclidienne, la décomposition additive des nombres et les fractions). La dimension algorithmique n’a pas la priorité sur la dimension mathématique. Pour faire en sorte que ce type de séquences puisse vivre dans le curriculum, il est cependant nécessaire de vérifier que la dimension algorithmique n’induit pas une perte d’apprentissage en mathématiques.

Question 3 : comment les enseignants s’approprient-ils ces séquences ?
L’introduction de l’algorithmique/programmation à l’école primaire constitue une nouveauté pour les enseignants, dont la plupart n’a pas eu une formation scientifique leur permettant de maîtriser  ce sujet. Comme pour toute séquence, les enseignants ont un certain degré de liberté dans la mise  en œuvre de ces séquences, selon leurs pratiques habituelles et les conditions et contraintes de leurs classes. Il est donc important de déterminer les conditions et les contraintes influant sur le processus de mise en œuvre de ce type de séquences par les enseignants.

En conclusion, avec notre recherche nous souhaitons contribuer à l’étude des conditions de viabilité d’une approche basée sur l’algorithmique et la programmation pour l’apprentissage des mathématiques à l’école primaire. Si une telle approche est viable, alors elle pourrait constituer une réponse à la demande institutionnelle issue du Ministère de l’Éducation Nationale française d’initier les élèves du cycle 3 à la programmation informatique sans introduire une nouvelle discipline. Cette problématique est d’actualité dans le contexte national et international. Pour l’aborder, nous avons examiné le cas des séquences d’enseignement des mathématiques basées sur l’utilisation du logiciel de programmation visuelle Scratch conçues dans le cadre du projet EXPIRE. Nous avons choisi d’évaluer, en particulier, la séquence portant sur le sens de la division euclidienne.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

Une étude préalable aux expérimentations nous a permis de répondre à la Question 1, en réalisant une modélisation théorique des séquences tenant compte des rôles des deux dimensions, algorithmique et mathématique. Lors de la première année d’expérimentation (2017/2018), le projet a vu la participation de 109 classes de CM1/CM2 du département de l’Isère avec 2 598 élèves. Pour répondre à la question concernant la viabilité des séquences dans le curriculum (Question 2), nous avons constitué deux groupes de classes : un groupe expérimental (qui a testé les séquences EXPIRE) et un groupe contrôle (qui parallèlement a travaillé avec des séquences traditionnelles sur les mêmes notions mathématiques). Nous avons fait passer des tests aux élèves avant et après chaque séquence. À partir de la deuxième année d’expérimentation, les enseignants étaient autonomes et libérés des contraintes expérimentales du projet. Afin de répondre à la Question 3, nous avons alors assisté à la mise en place de la séquence Scratch sur la division euclidienne par cinq enseignants expérimentés.

Une modélisation des séquences construite grâce aux outils de la Théorie Anthropologique du Didactique (Chevallard, 1999) et du cadre T4TEL (Chaachoua, 2018) a permis de concevoir les tests de mathématiques utilisés pour répondre à la Question 2. Cette modélisation proposée a également permis d’élaborer une grille d’analyse pour comprendre les pratiques des enseignants (Question 3).

La séquence EXPIRE sur la division euclidienne a été élaborée à partir d’une situation didactique « classique » fondée sur la manipulation, assez diffusée dans les pratiques existantes des enseignants. Sa transposition dans l’environnement Scratch a demandé un travail pluridisciplinaire impliquant didacticiens et informaticiens. Pour concevoir les tests, nous avons identifié les types de tâches mathématiques qui doivent émerger au sein de la séquence. Les tâches dans le post-test correspondent à celles du pré-test, avec un simple changement de contexte. Pour le recueil des données relatives à ces tests, nous avons conçu une grille de codage, dans laquelle nous avons indiqué comment coder le type de réponse (réponse juste, erreur de calcul, erreur dans le diviseur, erreur due à une mauvaise gestion du reste de la division, etc.) et le type de technique mobilisée (division posée, schéma, etc.). L’ensemble des données a été traité de façon exploratoire à travers des analyses en composantes principales et des régressions logistiques pour essayer de comprendre si les séquences Scratch présentent un risque de perte d’apprentissage en mathématiques par rapport à des séquences classiques (Question 2).

Afin de déterminer les conditions et les contraintes influant sur la mise en œuvre des séquences (Question 3) nous avons observé cinq enseignants volontaires durant l’année 2018/2019. Nous avons recueilli plusieurs types de données : les enregistrements audios du discours de l’enseignant, les enregistrements vidéos de l’activité de classe et les notes prises durant les séances observées. Nous avons également recueilli des informations d’entretiens informels avec les professeurs avant et après la passation de la séquence en classe. Un premier traitement de ces données a concerné la transcription des informations qui nous intéressaient sur un fichier Excel. Grâce à cette transcription et à nos grilles d’analyse, nous avons pu réaliser des analyses qualitatives et quantitatives des pratiques enseignantes. Nous avons notamment identifié des profils d’enseignants relatifs à (1) la présence ou l’absence de problématisation de l’activité pour chacun des deux niveaux algorithmique et mathématique ; (2) l’exploitation du registre de représentation issu du dispositif Scratch et la présence ou l’absence de conversion de l’algorithme vers le registre de l’écriture mathématique ; (3) la quantité et la qualité d’actions didactiques visant à institutionnaliser les techniques ayant émergées lors de la mise en œuvre de la séquence.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Le premier résultat de recherche, de nature théorique, concerne la conception d’une modélisation pertinente des savoirs mathématiques et algorithmiques au sein d’une même tâche qui, d’une part, mette en lumière l’articulation existante entre les divers savoirs en jeu et, d’autre part, soit opération- nelle pour l’analyse de la viabilité d’un ensemble de tâches ainsi construites. Dans une démarche de recherche propre à la didactique des mathématiques, nous avons caractérisé l’approche considérée et les savoirs mathématiques en jeu (Question 1). Ensuite, nous avons repéré des difficultés relatives à la conceptualisation du quotient et du reste, au recours au modèle de division lorsque le quotient est le nombre de parts, et à la compréhension du sens de l’écriture mathématique associée à la division euclidienne.

Les analyses statistiques menées pour répondre à la deuxième question révèlent que, d’une manière générale, il n’y a pas eu une différence significative entre les deux groupes en termes d’apprentissages de la division euclidienne sauf pour une des tâches du test, pour laquelle les élèves appartenant au groupe contrôle ont plus de chance de réussite par rapport aux élèves du groupe expérimental. Nous observons que cette différence entre les deux groupes, bien que légère, n’est pas négligeable et mérite d’être questionnée. Une explication possible de ce phénomène pourrait être le changement de dispositif : il est possible que la dernière séance de réinvestissement des élèves du groupe expérimental n’ait pas été suffisante pour un transfert des connaissances apprises avec Scratch vers les tâches du post-test. Les élèves du groupe contrôle n’étaient pas concernés par ce changement de dispositif, ayant ainsi un avantage.

Finalement, notre troisième résultat de recherche (en réponse à la question 3) est l’identification de quatre profils d’enseignants. Deux des profils identifiés sont considérés comme conformes aux attentes des chercheurs du projet. L’analyse de ces deux profils nous a permis de caractériser des « bonnes pratiques » au niveau de la transposition didactique de la séquence. Trois gestes didactiques associés à ces deux profils montrent une forte propension à la verbalisation (l’utilisation de registres de l’oralité visant l’explicitation du lien entre des registres de représentation des savoirs différents) et à la décontextualisation (le passage à partir d’un vocabulaire lié à un contexte spécifique non mathématique, par exemple utilisation de termes liés au déplacement d’un lutin sur une bande numérique, vers un vocabulaire lié à l’objet mathématique ciblé, par exemple utilisation de termes comme diviseur ou dividende). Les entretiens informels réalisés avec les enseignants ont mis en lumière qu’un des éléments clés de l’apparition de ces pratiques est la posture professionnelle vis-à-vis de l’enseignement des mathématiques.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

  • La séquence EXPIRE analysée constitue un outil pour l’enseignement et l’apprentissage de la division euclidienne pour les classes de niveau CM1/CM2.

  • L’appropriation de la dimension algorithmique se fait de manière rapide tant par les enseignants que par les élèves, qui montrent également enthousiasme et motivation face aux activités Scratch.

  • Au sein de ce type de séquence il existe plusieurs risques, sur lesquels l’enseignant doit être vigilant : (1) la dimension algorithmique peut cacher la dimension mathématique ; (2) les connaissances mathématiques apprises grâce aux séquences peuvent rester implicites et ne pas être transférées à d’autres contextes.

  • Pour éviter ces risques l’enseignant doit travailler les séances avant (chercher les solutions, anticiper les erreurs, etc.) et mettre en place des « bonnes pratiques » : il doit (1) problématiser la dimension mathématique de la séquence ; (2) exploiter le registre de représentation issu du dispositif Scratch et le convertir vers le registre de l’écriture mathématique ; (3) faire émerger les techniques mathématiques utilisées par les élèves lors de l’activité de programmation et les institutionnaliser.

Références

Bertrand, I. (1990). L’informatique a-t-elle un avenir à l’école primaire? Culture technique, (21), 206-212. Bideault, A. (1985). Procédure d’enfants de CEI dans une tâche de construction de parcours. Enfance, 38(2), 201-212. https://doi.org/10.3406/enfan.1985.2880

Chaachoua, H. (2018). T4TEL un cadre de référence didactique pour la conception des EIAH. Dans Séminaire national de didactique des mathématiques. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02009619/

Chevallard, Y. (1999). L’analyse des pratiques enseignantes en théorie anthropologique du didactique. Recherches en didactique des mathématiques (Revue), 19(2), 221-265.

Noss, R. (1986). Constructing a conceptual framework for elementary algebra through Logo program- ming. Educational Studies in Mathematics, 17(4), 335-357. https://doi.org/10.1007/BF00311324

Sutherland, R. (1989). Providing a computer based framework for algebraic thinking. Educational Studies in Mathematics, 20(3), 317-344. https://doi.org/10.1007/BF00310876

Temperman, G., Anthoons, C., De Lièvre, B. et De Stercke, J. (2014). Tâches de programmation avec Scratch à l’école primaire : Observation et analyse du développement des compétences en mathématique. Frantice. net, (9). http://www.frantice.net/docannexe/fichier/1083/9.pdf

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Mieux comprendre les bases cognitives de la lecture pour en faciliter l’apprentissage

Ali SAGHIRAN

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Mon travail de recherche avait pour objectif de mieux comprendre quelles sont les connaissances et opérations cognitives impliquées dans la lecture à travers la modélisation computationnelle de cette activité. Un modèle computationnel est un modèle mathématique implémenté sur ordinateur qui permet de simuler le comportement de lecture. Autrement dit, on définit mathématiquement quels sont les composants du modèle et comment ils interagissent et on peut ensuite tester si le modèle parvient à lire des mots qu’il connaît ou qu’il n’a jamais rencontrés comme les lecteurs humains. Le fait que le modèle reproduise fidèlement le comportement humain permet de valider la conception théorique de la lecture qu’il propose. La plupart des modèles computationnels de lecture (Phénix et al., 2016) s’accordent sur le fait que la lecture repose sur deux procédures : une procédure sérielle qui consiste à mettre en relation des unités orthographiques sous-lexicales avec les unités phonologiques correspondantes (par exemple « AU » correspond à /o/) et une procédure lexicale qui permet d’associer directement le mot entier à sa forme phonologique (par exemple, « BATEAU » associé à /bato/). Cependant, la question de savoir quelle est la taille des unités orthographiques sous-lexicales qui sont prises en compte reste entière. Traite-t-on toujours des graphèmes, ou plutôt des syllabes, ou la taille des unités peut-elle varier ? De la même façon, reconnaître et traiter des unités orthographiques à l’intérieur du mot écrit suppose un mécanisme de segmentation en sous-unités. La question relative à la nature des mécanismes cognitifs impliqués dans cette segmentation n’est actuellement pas résolue. Enfin, doit-on concevoir la mise en relation des unités sous-lexicales orthographiques et phonologiques comme définissant un système de traitement indépendant des connaissances lexicales, ou au contraire, comme s’effectuant par analogie, sur la base des connaissances lexicales mémorisées ? C’est à l’ensemble de ces trois questions que mon travail tente d’apporter des éléments de réponse.

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

Question 1 : Quelle est la taille des unités orthographiques sous-lexicales traitées lors d’une lecture sérielle du mot ?

Tout le monde est d’accord sur le fait qu’un apprentissage systématique des relations graphèmes-phonèmes est indispensable pour l’apprentissage de la lecture. Un enfant lecteur débutant traite en général les mots qu’il rencontre pour la première fois, en associant chaque lettre au phonème correspondant, très systématiquement et de façon sérielle de gauche à droite (Valdois, 2020). Par exemple, le mot « LAC » sera lu « L-/l/, A-/a/, C-/k/ ». Un adulte bon lecteur traite aussi les mots qu’il voit pour la première fois de façon sérielle ; mais quand un adulte lit le mot « ORNITHORYNQUE » pour la première fois, est-ce qu’il va utiliser un système de conversion graphème-phonème (O-/o/, R-/ʁ/, N-/n/, etc.) ou est-il capable de traiter le mot écrit en le segmentant en unités plus grandes (par exemple en syllabes) ? De la même façon, quand on mesure la vitesse de lecture des enfants sur des mots inventés (comme « VERDULIN » ou « SCROPALE ») qui ne peuvent être lus que de façon sérielle, on observe que cette vitesse augmente au cours du primaire (Sprenger-Charolles et al., 2005). Faut-il interpréter cette vitesse accrue comme démontrant une mise en relation plus rapide des graphèmes et des phonèmes ? ou se pourrait-il que les enfants deviennent de plus en plus sensibles aux régularités statistiques de la langue (Chetail, 2017), c’est-à-dire aux combinaisons de lettres qui sont fréquentes, que celles-ci correspondent à des graphèmes en début d’apprentissage ou, plus tard, à des unités plus grandes comme les syllabes ou même les morphèmes ? Cette question peut devenir primordiale si l’on souhaite améliorer la vitesse de lecture, prévenir les difficultés d’apprentissage ou remédier aux troubles dyslexiques.

Question 2 : Comment s’effectue la segmentation en sous-unités lors d’un traitement sériel du mot écrit ?

Les modèles de lecture les plus largement reconnus aujourd’hui sont les modèles double-voie (Coltheart et al., 2001 ; Perry et al., 2007). Ils font l’hypothèse que le traitement sériel repose sur une segmentation en graphèmes (par exemple, P-OU-SS-IN) mais même les modélisations computationnelles récentes de ces modèles n’explicitent pas quels sont les mécanismes cognitifs qui permettent cette segmentation graphémique (Perry et al., 2013). Cette question est très importante parce que la segmentation en graphèmes est loin d’être aisée pour tous les enfants et elle peut s’avérer particulièrement difficile dans une langue comme le français. D’une part, notre langue possède des graphèmes dont la longueur est très variable allant d’une lettre (comme pour ‘I’ ou ‘B’) à des séquences longues (comme ‘EAU’, ‘OIN’, ‘ILLE’ ou encore ‘AIENT’). D’autre part, une même séquence de lettres peut correspondre à un ou deux graphèmes. Par exemple, la séquence ‘AN’ correspond au graphème ‘AN’ dans « BANC » mais à deux graphèmes dans « CANE ». On peut aussi remarquer que dans certains mots la segmentation graphémique n’est pas évidente même pour des adultes (par exemple, comment segmenter « VIEILLESSE » ?). Il n’est donc pas étonnant que les débutants lecteurs fassent des erreurs de segmentation ou que celles-ci persistent en contexte dyslexique (Zoubrinetzky et al., 2014). Identifier les mécanismes qui permettent la segmentation du mot en sous-unités (graphèmes ou autre) pourrait conduire à apporter une aide plus efficace à ces enfants, voire à proposer des entraînements systématiques en classe visant à prévenir les difficultés de segmentation.

Question 3 : La lecture sérielle, repose-t-elle sur des connaissances explicites ou se fait-elle par analogie aux connaissances lexicales ?

Depuis de nombreuses décennies se pose la question de savoir si lire un mot que l’on voit pour la première fois implique de recourir à un système de conversion graphème-phonème spécifique ou si la lecture des mots nouveaux repose sur les connaissances lexicales. Cette question est étroitement dépendante de la taille des unités et des mécanismes de segmentation. Les modèles double-voie supposent que le mot nouveau est lu en mobilisant un système de conversion qui intervient au sein de la voie sous-lexicale, indépendamment des connaissances mémorisées sur les mots de la langue (Coltheart et al., 2001 ; Perry et al., 2007). Cette conception conduit à faire l’hypothèse d’un système de conversion limité aux seuls graphèmes et à supposer que les mécanismes qui permettent la segmentation graphémique sont spécifiques à la voie sous-lexicale. D’autres modèles, dits de traitement par analogie (Ans et al., 1998 ; Glushko, 1979), font l’hypothèse que les mots nouveaux activent plusieurs mots existants mémorisés, et que ce sont les sous-unités des mots activés qui contribuent à construire la prononciation du mot nouveau. Cette conception par analogie a deux conséquences : (a) la taille des sous-unités dépend des mots qui sont activés et du nombre de lettres qu’ils partagent, elle n’est donc pas fixée a priori, et, (b) si le traitement des mots connus et des mots nouveaux repose sur l’activation des connaissances lexicales, alors le mécanisme de segmentation impliqué dans le traitement des mots nouveaux est nécessairement également impliqué dans le traitement des mots connus. Ces différences théoriques ont des conséquences directes sur l’apprentissage. Dans le premier cas, par exemple, améliorer la lecture des mots nouveaux nécessiterait d’entraîner les seules conversions graphème-phonème ; dans le second, cela demanderait d’entraîner également les enfants sur de vrais mots renfermant des unités communes.

En résumé, les modèles théoriques de la lecture ont des conséquences directes sur nos conceptions de l’apprentissage de la lecture et des méthodes pédagogiques les plus adaptées pour favoriser cet apprentissage. Elles ont aussi des implications fortes sur la prise en charge et la remédiation des troubles dyslexiques. L’objectif de cette étude, était donc d’évaluer la plausibilité d’un nouveau modèle théorique qui s’inscrit dans le contexte des modèles de lecture par analogie et d’expliciter la nature et le fonctionnement des mécanismes impliqués dans la segmentation des unités sous-lexicales au sein de ce modèle.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

Nous avons développé un nouveau modèle computationnel de la lecture, appelé BRAID-Phon — extension du modèle BRAID (Phénix, 2018 ; Phénix et al., soumis ; Phénix et al., 2018) —, qui implémente deux hypothèses principales : (1) la lecture se fait toujours par activation des connaissances lexicales, qu’il s’agisse de lire des mots existants ou des mots nouveau ; (2) le fait de traiter le mot dans sa totalité ou seulement des sous-parties de mots dépend de la distribution de l’attention visuelle lors du traitement. Pour une présentation détaillée du modèle, se référer à Saghiran (2021) et Saghiran et al., (2020) ; une illustration schématique du modèle est présentée dans la Figure 1.

Schéma du modèle BRAID-Phon. Description détaillée ci-dessous.
Figure 1 – Illustration schématique du modèle BRAID-Phon.

1. Architecture du modèle

Le modèle BRAID-Phon (Saghiran, 2021) possède une architecture à 5 niveaux qui peut être décrite ainsi :

Le niveau sensoriel À ce premier niveau, le traitement vise à reconnaître les lettres qui composent le mot à lire. La reconnaissance de chaque lettre dépend de sa ressemblance avec les autres lettres de l’alphabet. Ainsi, ‘M’ est plus difficile à reconnaître du fait de sa proximité visuelle avec ‘N’. La reconnaissance des lettres est aussi plus ou moins facile selon leur position par rapport au point de fixation. S’il fixe la lettre ‘O’, le modèle reconnaîtra mieux le ‘P’ initial du mot « POT », que celui de « PIROGUE » qui est plus éloigné de la lettre fixée. Ceci simule une baisse linéaire de l’acuité visuelle plus on s’éloigne du point de fixation. Enfin, les lettres qui sont à l’intérieur du mot sont un peu moins bien reconnues que la première ou la dernière lettre, ce qui correspond au phénomène de crowding bien connu au niveau comportemental. On a donc au niveau sensoriel, trois phénomènes (la ressemblance entre lettres, l’acuité et le crowding) qui dégradent la lisibilité des lettres.

Le niveau de traitement visuo-attentionnel Ce niveau explicite comment l’attention visuelle se déploie sur le mot pour moduler la quantité d’information qui transite du niveau sensoriel au niveau perceptif. Le modèle représente l’attention visuelle comme ayant la forme d’une distribution gaussienne : les lettres qui sont sous focus attentionnel reçoivent un maximum d’attention, si bien que davantage d’information sur leur identité (représentée par flèche centrale la plus épaisse dans la Figure 1) transite vers le niveau perceptif ; la quantité d’attention allouée à chaque lettre décroît ensuite de façon non linéaire plus on s’éloigne du focus attentionnel. La quantité d’attention visuelle allouée à chaque lettre du mot contribue à accroître sa lisibilité. La distribution de l’attention visuelle et la position du focus attentionnel sur le mot ne sont pas fixées a priori. Ce sont des processus dynamiques qui s’adaptent au cours du traitement de façon à optimiser l’identification des lettres.

Le niveau perceptif des lettres Ce niveau accumule l’information sur l’identité des lettres qui est transmise via le niveau sensoriel. L’accumulation d’information est modulée par la distribution de l’attention. L’information perceptive évolue de façon dynamique au cours du temps. À chaque pas de temps, de plus en plus d’information est accumulée permettant de se construire une image mentale transitoire de plus en plus précise de la séquence de lettres du mot.

Le niveau lexical Ce niveau correspond aux connaissances quant à la forme orthographique des mots de la langue. Le modèle possède une base lexicale de plusieurs dizaines de milliers de mots qui correspond à celle d’un lecteur adulte expert. Chaque mot est caractérisé par sa fréquence dans la langue. L’information accumulée sur l’identité des lettres au niveau perceptif permet d’activer les mots du lexique qui partagent des lettres communes avec la séquence en cours de traitement.

Le niveau phonologique À ce niveau, sont générés les phonèmes correspondant à la séquence orthographique du mot. En fait, l’activation des informations lexicales conduit à activer les phonèmes qui correspondent aux mots activés. L’activation des phonèmes est fonction du degré d’activation des mots, donc de leur proximité visuelle avec le mot présenté et de leur fréquence.

2. Fonctionnement du modèle

L’information transite du niveau sensoriel vers le niveau lexical orthographique et le niveau lexical phonologique. Comme nous l’avons dit précédemment, l’information sur l’identité des lettres qui s’accumule au niveau perceptif dépend de la qualité de l’information sensorielle modulée par l’attention visuelle. Le niveau perceptif est aussi influencé par les connaissances lexicales, si bien qu’une lettre sera d’autant mieux identifiée au niveau perceptif qu’elle fait partie d’un mot existant ou d’une séquence de lettres fréquente dans les mots de la langue.

Le modèle fait l’hypothèse d’une voie de traitement unique. Que la séquence de lettres à lire corresponde à un mot connu ou à un mot nouveau, le traitement sera toujours le même, impliquant les niveaux décrits ci-dessus. Comment dès lors, sera-t-il possible de traiter un mot connu très rapidement et un mot non connu de façon sérielle ?

Nous supposerons que cela est possible grâce à l’attention visuelle. L’attention visuelle peut se déployer sur la séquence à lire et se déplacer de façon dynamique. À la première fixation sur le mot, la distribution de l’attention visuelle sur la séquence à lire est relativement large. Deux situations sont alors possibles : (a) soit cela permet d’accumuler de l’information assez rapidement sur l’ensemble des lettres de la séquence ; (b) soit l’accumulation d’information est lente et l’identité des lettres incertaine. Dans le premier cas, le modèle tendra à terminer le traitement en une seule distribution attentionnelle ; dans le second, il tendra à modifier la répartition de l’attention visuelle et la position du focus attentionnel, afin d’accumuler plus rapidement une information plus fiable sur l’identité des lettres du mot, quitte à ne traiter qu’une partie des lettres de la séquence à chaque capture attentionnelle. Le déplacement de l’attention visuelle lors de l’apprentissage d’un mot nouveau par le modèle BRAID-Learn (extension du modèle BRAID) a été étudié indépendamment (Ginestet, 2019 ; Ginestet et al., 2022).

Nous avons donc fait deux hypothèses : la première est que l’attention visuelle est le mécanisme qui permet de passer d’un traitement du mot entier à un traitement par sous-unités ; la seconde stipule que la répartition de l’attention visuelle devrait déterminer la taille des unités sous-lexicales traitées et que cette répartition est modulée en fonction des influences lexicales qui participent à l’identification des lettres au niveau perceptif.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Pour vérifier ces hypothèses, nous avons effectué des simulations. Cela signifie que nous avons présenté au modèle des séquences de lettres correspondant à des mots connus ou à des mots nouveaux et nous avons étudié son comportement.

Nous avons tout d’abord vérifié que le modèle est capable de reproduire des effets comportementaux classiques, comme l’effet de fréquence ou de longueur. Le premier correspond au fait que les humains sont capables de lire un mot d’autant plus vite qu’il est plus fréquent. Le second au fait que la vitesse de lecture varie selon la longueur du mot. Nous avons montré que BRAID-Phon est parfaitement capable de simuler fidèlement les effets observés chez l’humain (Saghiran et al., 2020). Ces simulations confirment que le modèle est capable de lire les mots connus à partir du traitement parallèle des lettres qui les composent.

Nous avons ensuite évalué la capacité du modèle à lire des mots qu’il ne connaît pas en utilisant la même procédure de traitement parallèle en une capture attentionnelle que pour les mots. Nous montrons que le traitement échoue. Le traitement des lettres du pseudo-mot présenté conduit à activer tous les mots lexicaux orthographiques qui partagent des lettres communes avec lui. Si l’on prend l’exemple du pseudo-mot « VIRDIN », c’est alors le mot qui est à la fois le plus proche visuellement de « VIRDIN » et le plus fréquent dans la base lexicale qui va être le plus activé. En l’occurrence, le mot « JARDIN » est le plus activé et la forme phonologique /ʒaʁdɛ̃/ est produite par le modèle au lieu de /viʁdɛ̃/. Ce comportement du modèle est en accord avec l’observation que certains dyslexiques lisent des pseudo-mots comme de vrais mots lorsque la procédure analytique sérielle est déficitaire.

Nous avons ensuite évalué la réponse du modèle lorsqu’on lui demande de traiter des mots inventés par segments et qu’on fait varier la taille des segments sous-lexicaux. Nous prendrons ici l’exemple du pseudo-mot « CHORAT ». Lorsque le segment se réduit à la première lettre ‘C’, le modèle active trois phonèmes, /k/ plus fortement que /s/ et /s/ plus fortement que /ʃ/. Son comportement change radicalement lorsque la capture attentionnelle porte sur la séquence ‘CH’, c’est alors uniquement le phonème /ʃ/ qui est activé. La séquence ‘CHO’ est associée sans ambiguïté à /ʃo/ du fait de l’activation forte de mots relativement fréquents (comme « CHOC », « CHOCOLAT », « CHOQUANT »). Le comportement du modèle change lorsque la séquence ‘CHOR’ est prise en compte. Dans ce cas, les phonèmes /ʃ/ et /k/ sont à peu près également activés du fait de l’appariement orthographique fort avec le mot « CHORALE » qui associé à « CHORUS », « CHORISTE » et d’autres renforce la prononciation /k/. Enfin, la seule prononciation générée est /k/ pour les séquences ‘CHORA’ et ‘CHORAT’ dans la mesure où les mots orthographiquement les plus proches (« CHORALE » et « CHORAL ») correspondent tous à la prononciation /k/. Cela témoigne du fait que la prononciation d’un graphème dans le modèle dépend largement du nombre de lettres qui sont simultanément traitées dans la séquence orthographique du pseudo-mot.

Le troisième exemple que nous détaillerons ici est l’exemple du pseudo-mot « VERDULIN ». Nous avons évalué le comportement du modèle selon que le traitement porte successivement sur chacune des trois syllabes ou sur des segments plus grands qui se chevauchent (comme VERD-RDUL-ULIN). Le modèle génère la prononciation attendue du pseudo-mot dans le cas des segments qui se chevauchent. La prise en compte de segments plus grands permet d’activer des mots lexicaux visuellement plus proches et dont la phonologie est davantage pertinente pour le pseudo-mot présenté.

Globalement les résultats des simulations montrent très clairement que :

  1. La lecture d’un pseudo-mot requiert un traitement sériel, par analyse successive de groupes de lettres ou segments, plus petits que le mot.
  2. C’est l’attention visuelle qui permet de se focaliser sur des sous-parties de mot pour en traiter les segments et c’est le déplacement de l’attention visuelle qui permet le traitement successif gauche-droite des segments orthographiques.
  3. La prononciation privilégiée par le modèle dépend fortement de la taille des unités orthographiques traitées.
  4. Dans certains cas, le fait de prendre en compte des segments orthographiques plus grands est nécessaire à une bonne prononciation et la taille des segments peut alors ne correspondre à aucune unité orthographique prédéfinie (ni graphème, ni syllabe).
  5. Enfin, les simulations ont été effectuées à partir de la seule activation des informations lexicales, donc sans recours à un système explicite de conversion graphème-phonème. La lecture des pseudo-mots dans BRAID-Phon met en jeu exactement les mêmes connaissances et opérations mentales que la lecture des mots.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

  • La lecture des mots non connus repose sur le traitement sériel de segments orthographiques. Compte tenu du fait que l’enfant est confronté en tout début d’apprentissage à des mots écrits qu’il ne connaît qu’à l’oral, ces mots sont pour lui nouveaux à l’écrit. C’est donc bien la procédure sérielle de traitement qui va s’appliquer, ce qui justifie pleinement de privilégier un apprentissage explicite des relations graphème-phonème en CP.

  • Si l’on accepte l’idée que les relations graphèmes-phonèmes ne sont pas mémorisées indépendamment des connaissances lexicales, alors l’introduction explicite de ces relations en classe doit nécessairement s’accompagner de l’exposition à des mots qui renferment la relation étudiée. Ceci est proposé dans la plupart des ouvrages pour l’apprentissage de la lecture en CP, mais pourrait disqualifier des méthodes qui privilégient la lecture de séquences ne correspondant pas à des mots.

  • Les simulations suggèrent que l’attention visuelle joue un rôle important dans la segmentation de la séquence à lire. La taille des segments traités va donc en partie dépendre des ressources attentionnelles que l’enfant peut déployer sur le mot à lire. Moins de ressources sont nécessaires pour traiter des segments courts que des segments longs. Lors de l’apprentissage, cela pourrait justifier d’introduire d’abord les unités courtes correspondant à une lettre puis augmenter très progressivement la taille de ces unités.

  • Le modèle nous montre que la plupart des graphèmes doivent être traités en contexte. Même la prononciation de ‘A’ ou ‘O’ est ambiguë tant qu’on ne sait pas quelle est la lettre qui suit. Mais tous les graphèmes d’une même longueur n’ont pas le même statut : la prononciation /u/ va fortement dominer pour ‘OU’ même si l’on ne connaît pas la lettre qui suit alors que cela ne sera pas du tout le cas pour ‘ON’. Cela devrait conduire, à longueur de segment égale, à privilégier un apprentissage plus précoce des relations les moins ambiguës.

  • Notre étude suggère que la taille des segments pris en compte lors du traitement dépend de la quantité de ressources attentionnelles disponibles et que le traitement de segments plus longs garantit en général une lecture avec moins d’erreurs et plus fluide. On devrait donc en conclure qu’entraîner l’attention visuelle en début d’apprentissage ou chez les pré-lecteurs devrait favoriser l’apprentissage (voir aussi Meyer, 2019 ; Meyer et al., 2018).

Références

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Chetail, F. (2017). What do we do with what we learn? Satatistical learning of orthographic regularities impacts written word processing. Cognition, 163, 103-120. https://doi.org/10.1016/j.cognition.2017.02.015

Coltheart, M., Rastle, K., Perry, C., Langdon, R. et Ziegler, J. (2001). DRC : A dual route cascaded model of visual word recognition and reading aloud. Psychological Review, 108(1), 204-256. https://doi.org/10.1037/0033-295X.108.1.204

Ginestet, E. (2019). Modélisation bayésienne et étude expérimentale du rôle de l’attention visuelle dans l’acquisition des connaissances lexicales orthographiques [thèse de doctorat, Université Grenoble Alpes, Grenoble, France]. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02893469/document

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Glushko, R. J. (1979). The organization and activation of orthographic knowledge in reading aloud. Journal of Experimental Psychology : Human Perception and Performance, 5(4), 674-691. https://doi.org/10.1037/0096-1523.5.4.674

Meyer, S. (2019). Conception et évaluation d’Evasion, un logiciel éducatif d’entraînement des capacités d’attention visuelle impliquées en lecture. Université Grenoble Alpes. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02402422

Meyer, S., Diard, J. et Valdois, S. (2018). Lecteurs, votre attention s’il vous plait ! Le rôle de l’attention visuelle en lecture. ANAE – Approche Neuropsychologique des Apprentissages Chez L’enfant. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02002545

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Perry, C., Ziegler, J. C. et Zorzi, M. (2013). A computational and empirical investigation of graphemes in reading. Cognitive Science, 37(5), 800-828. https://doi.org/10.1111/cogs.12030

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Phénix, T., Diard, J. et Valdois, S. (2016). Les modèles computationnels de lecture. Traité de neurolinguis- tique (p. 167-182). De Boeck Supérieur.

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Saghiran, A. (2021). Modélisation bayésienne de la lecture. Université Grenoble Alpes. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03364950

Saghiran, A., Valdois, S. et Diard, J. (2020). Simulating length and frequency effects across multiple tasks with the Bayesian model BRAID-Phon. Dans Proceedings of the 42nd Annual Virtual Meeting of the Cognitive Science Society, 3158-3163. Récupérée 7 avril 2021, à partir de https://hal.archives- ouvertes.fr/hal-01850020/document

Sprenger-Charolles, L., Colé, P., Béchennec, D. et Kipffer-Piquard, A. (2005). French normative data on reading and related skills from EVALEC, a new computerized battery of tests. Revue Européenne de Psychologie apppliquée, 55, 157-186. https://doi.org/10.1016/j.cognition.2017.02.015

Valdois, S. (2020). L’apprentissage de la lecture. Neurosciences Cognitives Développementales (p. 129-151). De Boeck Supérieur. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02997281

Zoubrinetzky, R., Bielle, F. et Valdois, S. (2014). New Insights on Developmental Dyslexia Subtypes : Heterogeneity of Mixed Reading Profiles (E. Kroesbergen, dir.). PLoS ONE, 9(6), e99337. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0099337

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Ressources

Échelle MultiDimensionnelle de Fluence

Évaluer la fluence en lecture des élèves

Logo du projet Fluence

Niveaux

CE1 à 5e

Action/Projet associé(e)

Contact

Présentation

L’Échelle MultiDimensionnelle de Fluence (EMDF) est un outil d’évaluation de la fluence dans toutes ses dimensions : vitesse, décodage, phrasé et expressivité.
Nous présentons ici l’échelle aux enseignants avec le protocole d’utilisation, deux textes de références et un étalonnage de ces deux textes du CE1 à la 5e. Cette échelle a été testée et étalonnée dans le cadre de la thèse d’Erika GODDE. Elle a été utilisée pour développer un outil d’évaluation automatique de la fluence et dans le cadre d’une étude longitudinale sur le développement de la fluence et de la compréhension, également présentée dans la thèse.

Disponibilité

Principalement à destination des enseignants, cet outil d’évaluation est disponible gratuitement en cliquant sur ce lien.

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Ressources

Logiciel d’entraînement ELARGIR

Un karaoké de lecture pour entraîner la fluence en lecture en autonomie

Logo de l'application Elargir

Niveaux

Du Ce1 à la 5e

 

Action/Projet associé(e)

Présentation

Elargir est un karaoké de lecture permettant le travail de la fluence en lecture en autonomie. Cette application a été développée au GIPSA-Lab en collaboration avec ATOS.

Ce karaoké repose sur le principe de lecture répétée assistée. Les enfants entendent un lecteur expert lire un texte affiché à l’écran. Un surlignage du texte permet de suivre la lecture entendue. L’enfant a alors pour consigne de lire le texte en suivant l’audio et le surlignage.

Elargir propose des textes de difficultés progressives. Les élèves avancent ainsi d’un texte à l’autre après lectures répétées du même texte. L’application propose également différents niveaux de surlignage : syllabe, mot, groupe de sens, groupe de souffle. Cet indiçage visuel permet à des élèves de tous niveaux de travailler sur les mêmes textes en renforçant des compétences différences. Les premiers niveaux de surlignage permettent d’améliorer le décodage et l’automatisation de la lecture pour acquérir une vitesse et une fluidité suffisante. Les niveaux de surlignage plus élevés permettent de travailler les pauses, la respiration et l’expression pour l’acquisition d’une lecture experte facilitant la compréhension des textes. Elargir permet ainsi de travailler la fluence dans toutes ses dimensions : décodage, vitesse, phrasé et expressivité.

Cette application a été développée et testée dans le cadre du projet Fluence (Mandin et al., 2021).  Une étude sur un petit groupe d’élèves en difficulté de CE2-CM1 a montré une amélioration de toutes les dimensions de la fluence sur les textes entrainés et sur un texte non entrainé (Godde et al., 2019).

Disponibilité

L’application est distribuée dans le bouquet FLUENCE de Fondamentapps  : https://fondamentapps.com/#top

ou sur les stores :

Il est possible d’utiliser ELARGIR sur des tablettes Androïd et Ipad, et sur des ordinateurs Windows. Son utilisation peut se faire en ligne ou hors-ligne. Après son téléchargement, un accès DEMO est proposé. Sinon, il faut acheter une licence FondamentApps pour accéder à l’intégralité de l’application et à son espace enseignant.

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Ressources

Logiciel d’entraînement Brûme

Pratique de la motricité fine et du rythme au service de l’apprentissage du langage écrit

Logo du projet DysApp

Niveaux

Cycles 2 et 3

Action/Projet associé(e)

Contact

Présentation

« Brûme » est un jeu vidéo sur tablette tactile qui permet la pratique de la motricité fine (dextérité manuelle, déliement digital et contrôle visuo-moteur) et du rythme, compétences sous-tendant l’apprentissage du langage écrit et s’avérant d’ailleurs souvent déficitaires chez les enfants avec troubles des apprentissages. Il se compose ainsi d’un ensemble de mini-jeux sollicitant ces capacités.

Le jeu s’adresse aux élèves de cycles 2 et 3 (7-11 ans). Afin de favoriser leur engagement dans le jeu et leur motivation, ces mini-jeux sont implémentés au sein d’un univers graphique et d’une histoire reliant les activités entre elles. Par ailleurs, l’implémentation d’un algorithme adaptatif permet de proposer aux enfants un niveau de difficulté qui correspond à leur niveau réel dans le jeu.  

Afin de remplir ces différents objectifs, « Brûme » a été développé par un consortium d’experts réunissant des chercheurs en psychologie cognitive et psychologie du développement de l’université de Poitiers (CeRCA, UMR 7295), des chercheurs en sciences informatiques du CNAM (Cédric, EA 4629) et l’entreprise Tralalère, spécialiste de la création d’outils éducatifs numériques.

L’efficacité de ce jeu vidéo pour améliorer les compétences motrices et en langage écrit des enfants a été éprouvée dans une étude de validation expérimentale menée auprès d’environ 150 élèves de CM1 sans troubles d’apprentissages. Les participants à cette étude étaient ainsi répartis aléatoirement en deux groupes : un groupe « entraîné » bénéficiait de l’intervention cible (jeu « Brûme ») et un groupe « contrôle » bénéficiait d’un autre type d’intervention (jeux mathématiques sur tablette). L’ensemble des participants a réalisé 12 séances de 20 minutes de jeu en petits groupes à raison de 2 séances par semaine. Avant et après la phase d’entraînement, les élèves ont réalisé plusieurs tâches évaluant leurs habiletés motrices (dextérité uni-manuelle, coordination bi-manuelle, séquences motrices) et leurs compétences en langage écrit (tâches de lecture de mots, dictée de mots et texte, production et compréhension écrite) afin d’évaluer l’évolution de ces compétences pour les deux groupes. Les analyses révèlent que suite à l’entraînement, les élèves ayant utilisé le jeu « Brûme » ont davantage amélioré leurs performances sur les tâches de séquence motrice et d’orthographe que les élèves du groupe « contrôle ». L’ensemble de ces résultats soutient donc l’hypothèse d’un bénéfice d’un entraînement moteur basé sur la pratique d’un jeu vidéo pour améliorer à la fois les compétences en motricité fine et les performances orthographiques des élèves.

Disponibilité

Le jeu étant encore en version Béta, il n’est actuellement pas disponible au grand public.

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Projet DysApp

Un jeu vidéo pour identifier et accompagner les élèves présentant des troubles moteurs et des troubles d’acquisition du langage écrit

Le projet DysApp a poursuivi deux objectifs complémentaires. Il s’agissait tout d’abord de préciser les liens entre compétences en langage écrit et habiletés motrices et rythmiques des enfants âgés de 8-9 ans. En effet, des travaux récents — mais menés avec des enfants plus jeunes — ont démontré l’implication de tels facteurs (non linguistiques) dans l’explication de la réussite en lecture et écriture. Parallèlement, d’autres travaux dans le domaine des troubles des apprentissages ont mis en évidence que nombre d’enfants avec troubles du langage écrit (par exemple, dyslexie) présentaient également des troubles de la coordination motrice ou du rythme. En lien avec ces constats, nous avons donc dans un second temps du projet, développé un jeu vidéo sur tablette tactile permettant d’entraîner les habiletés de motricité fine et de rythme des enfants. Les résultats obtenus suite à une étude de validation expérimentale auprès d’élèves de CM1 ont montré des effets bénéfiques de l’utilisation du jeu sur leurs habiletés de motricité fine et leurs performances orthographiques. Ce jeu présente de plus un caractère adaptatif au niveau de chaque élève afin de favoriser son utilisation en classe, y compris par les élèves présentant des troubles moteurs (dyspraxie) ou du langage écrit (dyslexie).

Responsable projet :
Éric LAMBERT
Assistante projet :
Margaux LÊ

Quelques chiffres

Académie de Poitiers

836 K€ de subventions

26 écoles primaires
400
élèves

Carte de France indiquant les départements impliqués dans le projet. Description détaillée ci-dessous.

Résultats obtenus

Concernant le premier objectif du projet, nous avons pu montrer que les habiletés motrices et rythmiques d’élèves de CE2 ont un effet sur l’ensemble des dimensions du langage écrit (lecture, orthographe, compréhension et rédaction de textes). Par ailleurs, nous avons pu préciser les mécanismes sous-tendant ces relations. Ainsi, l’effet de la motricité sur le langage écrit est médiatisé à la fois par les fonctions exécutives et l’automatisation de l’écriture manuscrite (Lê et al., 2021a), alors que l’effet du traitement rythmique est direct (Lê et al., 2020). Concernant le second objectif, les résultats d’une étude de validation expérimentale auprès d’élèves de CM1 a mis en évidence un effet bénéfique de la pratique du jeu vidéo sur tablette sur leurs habiletés motrices et leur niveau d’orthographe (Lê et al., 2021b). L’ensemble de ces résultats soutient donc l’hypothèse d’une implication de la motricité et du rythme dans le développement du langage écrit.

Préconisations

Au-delà des prédicteurs linguistiques des compétences en lecture-écriture largement connues dans la littérature (par exemple, habiletés phonologiques) et généralement travaillés à l’école, d’autres habiletés, non linguistiques, liées à la motricité fine ou au rythme jouent également un rôle dans l’apprentissage de la lecture / écriture. D’ailleurs, chez les élèves en difficultés de langage écrit (par exemple, dyslexie), de moindre habiletés motrices et/ou rythmiques viennent majorer les difficultés à l’écrit, notamment en orthographe. Ceci suggère qu’une prise en charge ciblant à la fois les habiletés langagières et non-langagières pourrait être utile à ces élèves. Dans cette perspective, nous avons d’ailleurs montré qu’un entraînement des habiletés motrices basé sur la pratique d’un jeu vidéo permettait d’améliorer certaines compétences motrices et langagières (orthographe) des élèves même sans trouble.

Prolongements du projet

Les perspectives du projet concernent un focus plus spécifique sur la population d’enfants avec troubles du langage écrit (par exemple, dyslexie) ou de la coordination motrice (par exemple, dyspraxie). Il s’agira notamment de préciser chez cette population les liens entre langage écrit, motricité fine et rythme ainsi que le rôle des fonctions exécutives. Par ailleurs, nous chercherons à interroger l’efficacité du jeu vidéo développé pour améliorer les compétences de ces enfants avec troubles à la fois en termes de motricité fine et de littératie lors d’une prise en charge spécifique (par exemple, orthophonie). Enfin, une dernière perspective concerne l’acceptabilité du jeu vidéo en tant qu’outil pédagogique au sein des classes. En effet, la forme même d’un jeu vidéo ou les représentations négatives qui y sont généralement associées pourraient constituer un frein pour certains enseignants à leur utilisation en tant qu’outil pédagogique.

Catégories
Ressources

Plateforme numérique POUCEEC

Parcours Ouverts et Compétences pour l’Education à l’Esprit Critique

Niveaux

Collège — Lycée
Grand public

Action/Projet associé(e)

Présentation

La plateforme POUCEEC est une plateforme numérique qui propose des ressources audiovisuelles et des activités pédagogiques associées, pour sensibiliser, éduquer et former aux compétences d’esprit critique des élèves de la 6ème à la terminale. La plateforme entraîne les élèves à faire des analyses critiques de vidéos que l’on peut trouver sur Internet.

La plateforme permet (a) aux enseignants de construire des parcours (scénarios pédagogiques) d’étude de vidéos dans un objectif d’analyse critique des informations présentées dans les vidéos et (b) aux élèves de réaliser des activités d’étude active de différentes vidéos pour construire une analyse critique et leur propre point de vue. La plateforme propose certaines fonctionnalités pédagogiques comme le tri et labélisation de vidéos ou encore des prompts (i.e., incitations apparaissant au cours d’un visionnage d’une vidéo pour amener l’élève à s’interroger sur certains éléments de la vidéo comme la source de l’information).

La plateforme est alimentée en termes de ressources audio-visuels et d’activités pédagogiques par les enseignants. Les enseignants peuvent téléverser des vidéos et des images pour concevoir et constituer des parcours numériques et des activités pédagogiques. La plateforme propose aussi pour les enseignants des tableaux de bord des activités des élèves d’une classe.

En utilisant un identifiant et un mot de passe, la plateforme offre un espace pour les concepteurs et administrateurs des parcours (enseignants, animateurs, …) qui permet l’élaboration de scénarii pédagogiques à partir des fonctions proposées par la plateforme, leur gestion et leur diffusion.

La plateforme est actuellement développée par l’association FREDD (Film, Recherche, Développement Durable) avec la collaboration des partenaires du projet POUCEEC. La fonction éditoriale est assurée par l’association FReDD.

Disponibilité

La plateforme POUCEEC est actuellement disponible pour l’ensemble des établissements partenaires du projet POUCEEC dans les académies de Toulouse, Aix-Marseille et Lyon. L’accès à la plateforme se fait par l’ENT des établissements scolaires ou bien par la création de comptes individuels.

Catégories
Ressources

Logiciel pédagogique Ludic

Construire des cours ludifiés sur Moodle avec des outils qui favorisent la motivation et l’engagement des apprenants

Logo du projet Ludi moodle

Niveaux

Secondaire — Supérieur

Action/Projet associé(e)

Présentation

Le plugin Moodle Ludic, issu du projet de recherche Ludimoodle, est une solution de ludification permettant de construire des cours dans Moodle avec des outils ayant un impact positif sur la motivation et l’engagement des apprenants. Bâti au cœur de la structure Moodle, Ludic est compatible avec tous les plugins d’activités natifs ou issus de la communauté Moodle.

Le format de cours Ludic permet d’habiller un cours rapidement avec des outils de ludification paramétrables. Chaque section de cours est habillée par un design dynamique qui évolue avec la progression de l’apprenant. Les types d’habillages peuvent être combinés pour bâtir des parcours d’apprentissages diversifiés (storytelling, collections, avatars, médailles, trophées, progression, …). Les tuiles dynamiques des sections reposent sur les principes de complétion ou de note de Moodle. Les tuiles de chaque section affichent une progression au fur et à mesure de la progression de l’apprenant sur chaque activité/ressource. La progression se base sur le seuil de réussite de la section et sur la pondération de chaque élément d’un cours. Avec ce format de cours, l’enseignant peut personnaliser les tuiles aves ses propres réglages et images.

Ce plugin a été développé par l’entreprise EDUNAO en collaboration avec le laboratoire LIRIS (Université Lyon 3). L’impact des éléments de ludification sur la motivation et l’engagement des élèves a été évalué en deux étapes par les laboratoires LIRIS et ECP (Université Lyon 2), chaque expérimentation engageant plus de 300 élèves et 5 enseignants répartis dans 4 collèges de l’Académie de Lyon. Les résultats d’une première étude indiquent que des éléments de ludification attribués aléatoirement démotivent de manière globale les apprenants. Cependant, des effets différents sont observés selon leur niveau initial de motivation à faire des mathématiques et leurs préférences de jeu, la ludification ayant un impact positif principalement sur les élèves les moins motivés initialement. Par une deuxième étude, nous avons montré que lorsque la ludification est adaptée à ces facteurs initiaux, alors elle a un effet « amplificateur » qui permet d’augmenter la motivation intrinsèque des apprenants, tout en réduisant leur motivation extrinsèque.

Ci-dessous, quelques captures d’écran illustrant le moodle Ludic :

Capture d'écran de la page d'accueil du cours "Introduction aux mathématiques". Description détaillée ci-dessous.
(a) Page d’accueil du cours « Introduction aux mathématiques »

Disponibilité

Plugin de ludification grand public diffusé sur Moodle.org et disponible en téléchargement gratuitement sur :

https://moodle.org/plugins/format_ludic ou via Github : https://github.com/Edunao/moodle-format_ludic

Intégrable à tout site Moodle en version 3.9.