Liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation de lycéens sur des questions socio-scientifiques : quels apports pour l’éducation à l’esprit critique ?

Kévin De CHECCHI

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche s’intéresse aux représentations que les élèves ont sur les connaissances et sur les opinions et les liens avec leur manière d’argumenter. Ces éléments amènent à compléter les cadres conceptuels de l’esprit critique afin de penser le développement de dispositifs éducatifs. La question de recherche principale que j’explore à travers ce travail de recherche est : quels liens les croyances sur les connaissances et sur les avis, les représentations du débat et l’argumentation sur des questions socio-scientifiques de lycéens entretiennent-elles ?

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

Permettre aux élèves, futurs citoyens, de développer leur esprit critique est un enjeu majeur de nos sociétés. En effet, disposer d’un esprit critique permet aux élèves de prendre part de façon éclairée aux débats de société (Gaussel, 2016). En particulier, les Questions Socio-Scientifiques (QSS) sur de sujets tels que le réchauffement climatique, la mondialisation ou l’intelligence artificielle, engagent le futur de notre société et doivent pouvoir être débattues par des citoyens responsables. Dans la littérature, l’esprit critique a notamment été défini comme renvoyant à « une pensée réflexive raisonnable » (Ennis, 1985, p. 45), ou encore comme « un jugement réflexif autorégulé » (Facione, 1990, p. 38). Or cette « pensée » et ce « jugement » dépendent, au moins en partie, des croyances épistémiques, c’est-à-dire les croyances sur les connaissances et le fait de connaître (Kitchener et King, 1981).

Pour illustrer la place que ces croyances peuvent avoir dans la vie des citoyens, Hofer (2004) donne l’exemple d’une situation (qui nous est maintenant familière…) qui décrit les différents questionnements que peut avoir un individu pour l’aider à prendre une décision :

« Imaginez que vous venez d’apprendre que vous êtes atteint d’une maladie dont vous ne savez pas grand-chose. Allez-vous accepter le diagnostic de votre médecin comme étant le dernier mot sur la question, ou bien allez-vous chercher à approfondir vos propres connaissances sur ce sujet ? Si vous choisissez de chercher des informations supplémentaires, où allez-vous chercher ? Allez-vous consulter d’autres membres du personnel médical, demander leur avis à des amis et des parents, examiner des revues ou des livres, regarder sur des sites internet ? » (Hofer, 2004, p. 43)

Ces croyances épistémiques peuvent être résumées en trois grands profils (Kuhn et al., 2000). Les individus absolutistes considèrent que les connaissances sont objectives et certaines et qu’elles sont accessibles grâce à une autorité considérée par l’individu comme légitime. Les multiplistes considèrent eux que les connaissances sont incertaines et subjectives. De ce fait, les connaissances prennent le statut d’opinions personnelles librement choisies par les individus. Toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de croire ce que bon lui semble. Enfin, les individus évaluatistes intègrent la dimension objective et subjective des connaissances. Ces derniers, conscients du caractère incertain des connaissances, les évaluent en mobilisant des critères afin d’en déterminer leur valeur de vérité.

Par ailleurs, l’esprit critique a été décrit comme renvoyant en partie à des dispositions et des compétences argumentatives (Ennis, 2011 ; Facione, 1990 ; Schwarz, 2009). D’ailleurs, l’intérêt pour l’enseignement et l’apprentissage de l’argumentation est de plus en plus présent dans la recherche depuis une vingtaine d’années (Erduran et al., 2004). Or, un des facteurs qu’il semble important à explorer pour favoriser une argumentation de bonne qualité chez les élèves concerne leurs croyances épistémiques (Hofer et Pintrich, 1997 ; Kuhn et al., 2000). En effet, plusieurs études montrent que plus un individu a des croyances épistémiques élaborées, plus son argumentation est de bonne qualité (Kienhues et al., 2008 ; Kuhn, 1991 ; Mason et Scirica, 2006 ; Noroozi, 2018). Néanmoins, ces études considèrent les croyances épistémiques de façon générale et décontextualisée et non comme devant être situées à l’activité épistémique en jeu. En outre, ces mêmes études proposent pour la plupart une approche quantitative ne décrivant pas de manière fine les croyances épistémiques des élèves et leur argumentation.

Au regard de l’ensemble de ces éléments théoriques et empiriques, ce travail de recherche propose :

  • de décrire de manière fine et située les croyances épistémiques notamment en les articulant avec les représentations des individus concernant l’activité épistémique en jeu. Cette démarche vise à approfondir, voire à remettre en question les profils et les dimensions identifiés dans la littérature qui sont utilisés pour étudier les croyances épistémiques ;
  • de questionner les résultats théoriques et empiriques concernant les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation qui sont décrits de manière générale dans la littérature. Notamment, les auteurs n’explicitent pas le cadre argumentatif en jeu dans leur contexte de recherche qui guide la construction de leurs grilles d’analyse ainsi que l’interprétation de leurs résultats ;
  • d’opérer une distinction dans le contexte des QSS concernant les objets épistémiques (connaissance et avis) qui doivent être décrits comme renvoyant aux croyances épistémiques ;
  • d’articuler l’ensemble des éléments théoriques abordés précédemment autour d’une conceptualisation enrichie de l’esprit critique.

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

La démarche

La méthodologie mobilisée dans ce travail de recherche est définie comme étant « semi-écologique » : le dispositif est co-construit entre l’équipe de recherche, les enseignants et les élèves. Cette approche permet d’élaborer des séquences adaptées au niveau des élèves, aux pratiques et aux choix pédagogiques des enseignants. Cette démarche favorise la transférabilité des séquences didactiques en dehors du contexte spécifique du projet de recherche AREN (projet dans lequel s’inscrit ce travail de recherche) et sa mobilisation en classe par les enseignants.

La séquence didactique

Une séquence didactique AREN se compose dans l’ordre : d’une phase préparatoire dévolue à l’enseignement de contenus disciplinaires (c’est-à-dire, travail « classique » des contenus disciplinaires avec les élèves), la passation d’un pré-test, un débat sur la plateforme numérique AREN, un travail de synthèse réflexif sur les arguments produits pendant le débat et la passation d’un post-test.

Participants, outils et données recueillies

L’ensemble des données de ce travail de recherche a été recueilli sur deux ans, impliquant au total deux classes et 12 élèves. La première année les élèves étaient en classe de 1ère et la deuxième année de l’étude ils étaient en classe de Terminal. Ces données sont issues à la fois du dispositif didactique AREN, de pré-tests et de post-tests, mais également d’entretiens.

Les entretiens semi-directifs visaient à décrire finement les croyances épistémiques des élèves sur les connaissances et les avis, et leurs représentations du débat. La conduite des entretiens avec les élèves a été inspirée par l’entretien d’explicitation de Vermersch (2010). Ce type d’entretien aide notamment les individus à verbaliser leurs actions passées ou leurs croyances relatives à un objet particulier. Il favorise la prise de conscience provoquée. Les quatre premières questions portaient spécifiquement sur le contexte du débat. Celles-ci ont été pensées en lien avec le modèle AIR de Chinn et al., (2014). Ce modèle en trois composantes s’intéresse au but épistémique, aux critères permettant de savoir si le but a été atteint, et aux processus pertinents à mobiliser pour atteindre le but épistémique visé. Les quatre autres questions visaient à explorer les croyances épistémiques des individus à la fois concernant les connaissances, les avis et les liens possibles entre les deux. À titre d’exemple, pendant les entretiens, les questions suivantes ont été posées aux élèves : « Pourquoi est-ce que l’on débat ? », « Si quelqu’un n’est pas d’accord avec toi pendant le débat, que se passe-t-il ? », « Est-ce que pour toi c’est possible que quelqu’un ait le meilleur avis ? ».

Les interventions des élèves analysées proviennent des quatre débats qui se sont déroulés pendant leur année de 1ère et de Terminale. Chaque débat débutait par la lecture d’un texte en lien avec une question socio-scientifique. La thématique abordée et le sujet du texte ont été choisis conjointement entre l’équipe de recherche AREN et les enseignants. Par exemple, pour le premier débat, certains élèves ont débattu à partir d’un texte sur les chantiers de forage au large de la Guyane par Total alors que d’autres ont eu un texte sur l’usage des OGM Bt comme insecticide. Les interventions des élèves ont été analysées à l’aide de la grille développée par Pallares (2019) dans le cadre du projet AREN. La grille d’analyse a été construite de manière à prendre en compte les spécificités de l’argumentation sur des QSS. Elle permet de décrie les interventions des élèves en termes de « mouvements argumentations » (par exemple, développement, réfutation, nuance, questionnement) et « d’affinement de contenu » (par exemple, domaine de validité, prise en compte de l’ouverture et de l’incertitude de la QSS).

Les pré-/post-tests étaient donnés à remplir par les élèves avant et après chaque débat au sein d’une séquence didactique AREN. Chacun de ces tests comportait : une échelle de Likert sur laquelle l’élève devait se positionner au regard d’une assertion en lien avec la QSS abordée pendant le débat; une partie argumentaire où l’élève devait expliquer son positionnement; et deux questions dans la visée n’étaient pas les mêmes entre les pré-tests et les post-tests. Dans les pré-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que quelqu’un peut avoir un avis acceptable sur ce sujet, et pourquoi ? », et « Peut-on être certain sur ce sujet, et pourquoi ? ». Ces deux questions visent à mettre en lumière les représentations des élèves concernant l’ouverture (pour la première question) et la présence d’incertitudes (pour la deuxième question) concernant la QSS en jeu. Dans les post-tests, les deux questions posées aux élèves étaient : « Est-ce que tu as changé d’avis ou nuancé ta position? Pourquoi ? », et « Penses-tu que le débat en classe t’a apporté quelque chose ? Si oui, précise ce que cela t’a apporté. Si non, explique pourquoi. ». Ces questions ont pour but d’affiner les représentations du débat des élèves au regard de la perception qu’ils ont des apports des débats ayant eu lieu sur la plateforme numérique AREN.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Au regard des analyses effectuées, plusieurs résultats importants ressortent de ce travail de recherche concernant les croyances épistémiques, les représentations du débat, leurs liens avec l’argumentation des élèves et l’éducation à l’esprit critique. Plus spécifiquement, les résultats empiriques viennent étayer la proposition théorique concernant la prise en compte des avis dans l’étude des croyances épistémiques. En effet, la description fine des croyances sur les connaissances et les avis montrent qu’inclure ces deux objets épistémiques permet : une meilleure compréhension des croyances épistémiques des élèves, un affinement avec les profils plus ou moins élaborés identifiés dans la littérature, d’identifier d’autres dimensions pour les décrire (dimension ontologique, c’est-à-dire, comment les élèves définissent-ils les connaissances et les opinions ? ; généalogique, c’est-à-dire, d’où proviennent les connaissances et les opinions ? ; et structurelle, c’est-à-dire, quels liens existent-ils entre les connaissances et les opinions ?).

En outre, l’analyse des représentations des élèves montre que : les élèves n’attribuent pas toujours de buts et de processus épistémiques au débat, les processus considérés comme pertinents semblent pouvoir être classés en deux patterns en fonction de s’ils sont plutôt tournés vers de l’intrapersonnel ou de l’interpersonnel. Les réponses aux questions des pré-/post-tests ont permis d’affiner la compréhension des représentations du débat en précisant que dans le cadre des débats AREN les élèves : déclarent des apports différents en fonction du débat, considèrent ne pas avoir changé de points de vue mais avoir toutefois appris, définissent de manière floue des termes et expressions comme changer d’avis ou encore nuancer sa position, ont des représentations variables sur les QSS et parfois en décalage avec les attendus éducatifs.

Concernant l’argumentation des élèves, un des résultats principaux concerne l’identification de critères permettant de décrire finement la manière d’argumenter des élèves en fonction : des principaux mouvements argumentatifs qu’ils ont produits, qu’ils ont justifiés et la qualité des affinements de contenu qu’ils ont apportés. Sur cette base, l’évaluation de la qualité de l’argumentation des élèves a montré un lien fort entre ces trois indicateurs qui évoluent de façon homogène : plus un élève produit des mouvements argumentatifs différents, plus il les justifie et plus il apporte d’affinements de contenu de qualité. Aussi, en adéquation avec les précédentes études conduites dans le projet AREN (Pallares, 2019 ; Pallares et al., 2020), l’argumentation des élèves varie fortement entre les débats, notamment au regard de la thématique débattue et du texte choisi comme point de départ pour les échanges.

Enfin, l’articulation entre l’ensemble de ces résultats a permis d’enrichir la compréhension théorique et empirique des liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation. Tout d’abord, j’ai proposé un cadre théorique exploratoire afin d’expliquer les liens entre ces objets. Plus particulièrement et  au regard des résultats de ce travail de recherche, j’ai mobilisé d’une part les croyances sur la nature des connaissances et les représentations sur le débat des élèves. J’ai alors supposé que : les croyances ontologiques sur la nature des incertitudes des connaissances favorisent l’argumentation réflexive des élèves, et que les représentations du débat tournées vers des patterns interindividuels favorisent l’argumentation collaborative chez les élèves. Sur la base de l’articulation entre les résultats et de cette proposition théorique, j’ai alors tenté de questionner et d’affiner les principaux résultats identifiés dans la littérature sur les liens entre les croyances épistémiques et l’argumentation.

En guise de synthèse, j’ai alors montré en quoi l’ensemble des éléments discutés permet d’approfondir le cadre conceptuel de l’esprit critique proposé dans la littérature, et de penser des dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

En premier lieu, il convient de retenir que les représentations sur les connaissances et sur les opinions sont importantes à prendre en compte pour comprendre comment les apprenants :

  • débattent
  • évaluent des informations
  • construisent leur propre point de vue sur une thématique d’actualité
  • s’approprient les connaissances scientifiques
  • développent leur esprit critique.

Ces représentations peuvent être appréhendées par les enseignants grâce à des éléments de langages provenant des élèves en lien avec les catégories de réponse identifiées dans ce travail de recherche. Celles-ci sont principalement relatives aux :

  • incertitudes prises en compte par les élèves
  • méthodes, stratégies et critères envisagés et mobilisés pour amoindrir les incertitudes identifiées
  • aux buts que les élèves attribuent au débat entre pairs en classe et aux processus qu’ils considèrent comme étant pertinents pour résoudre un désaccord dans ce contexte.

Plus largement, plusieurs préconisations concernant le développement de dispositifs dédiés à l’éducation à l’esprit critique sur des QSS peuvent être formulées.

Tout  d’abord, il semble qu’un des leviers majeurs pour l’éducation à l’esprit critique concerne le développement du jugement réflexif. Celui-ci peut être compris comme renvoyant en partie aux croyances que les individus ont sur la nature des connaissances et des avis. À ce titre, les dispositifs éducatifs reposant sur un travail réflexif semblent particulièrement pertinents. À titre d’exemple, le dispositif didactique AREN prévoit des phases de synthèse en groupe qui visent justement à favoriser la réflexion des élèves. Ces phases de synthèse portaient sur des éléments spécifiques de l’argumentation. Il serait alors possible sur la base du même fonctionnement de proposer aux élèves de travailler sur des aspects concernant les connaissances, les avis et leurs liens possibles. Réaliser ce type de travail avec les élèves semble particulièrement important puisqu’ils montrent des difficultés à avoir une prise en compte ontologique de la nature des connaissances et des avis. Plus spécifiquement, ces réflexions doivent porter sur les incertitudes en lien avec ces objets épistémiques. Par ailleurs, les élèves ont  des difficultés à développer et/ou à prendre conscience des stratégies et des critères qu’ils mobilisent pour amoindrir les incertitudes. Un outil de guidage pertinent pour ce type de travail peut reposer sur les trois dimensions identifiées : ontologique, structurelle et généalogique. Celles-ci peuvent alors se présenter sous forme de schémas visuels que les élèves doivent compléter collectivement en renseignant des éléments caractéristiques de ces trois dimensions. Cela permettrait alors aux élèves une réflexion sur les propriétés intrinsèques, les sources, les incertitudes des connaissances et des opinions ainsi que leurs articulations possibles.

Un autre levier important concerne un travail explicite sur les buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser lors d’une activité épistémique. Les élèves considèrent majoritairement des buts non épistémiques aux débats c’est-à-dire qu’ils ont plutôt tendance à se saisir des débats comme d’un espace de conversation sans réel enjeu relatif aux connaissances. Par conséquent, il semble donc normal que les élèves aient en tête des critères et des processus en lien avec ces mêmes enjeux non épistémiques. Par exemple, un élève peut considérer que le but est de convaincre, que la règle cadrant le débat pour assurer ce but soit de ne pas être agressif avec les autres et qu’il n’y a pas de processus pertinent permettant de résoudre un conflit puisqu’il n’y a pas d’avis meilleur qu’un autre. Ces représentations du débat peuvent être considérées comme influençant les dispositions à argumenter de l’élève. L’enjeu est alors de réaliser un travail en groupe visant à discuter les différents buts, les critères et les processus pertinents à mobiliser dans le cadre d’un débat collaboratif. La place de l’enseignant et son guidage sont primordiaux dans ce type de dispositif puisqu’au sein d’un groupe d’élèves, l’idée qu’un dé- bat puisse avoir des enjeux épistémiques peut ne pas émerger tant spontanément qu’après délibérations.

Concernant le développement des compétences argumentatives des élèves, il semble être notamment favorisé par la pratique de l’argumentation. Il convient donc de multiplier les activités dans lesquelles les élèves peuvent exercer leurs compétences argumentatives. Aussi, il semble préférable de varier les thématiques en jeu ainsi que les situations monologales (c’est-à-dire, l’individu argumente seul et sans prendre en compte autrui) et dialogales (c’est-à-dire, l’individu argumente en prenant en compte des arguments différents voire opposés à son point de vue) pour favoriser le transfert des compétences des élèves (Kuhn et al., 2016). Par exemple, le dispositif AREN propose une alternance entre des activités d’écriture d’argumentaire et des débats sur sujets différents mais toutefois renvoyant à la même QSS. De même que l’esprit critique doit passer par des activités visant à « apprendre à argumenter », d’autres dispositifs peuvent favoriser le fait d’« argumenter pour apprendre ». Plus spécifiquement, au-delà des enjeux d’appropriation de contenus disciplinaires, les situations argumentatives doivent être saisies comme des opportunités par les élèves pour se construire un point de vue argumenté. Une piste intéressante me semble être de mobiliser le modèle de l’argument de Toulmin (2008) comme outil didactique pour introduire ce qu’est un argument (l’articulation entre une thèse et une donnée) et quelles composantes de base peuvent s’y greffer pour venir complexifier sa structure (la garantie, le modalisateur, le fondement). Dans un second temps venir élargir cette structure de l’argument en montrant en quoi elle se co-construit en prenant en compte les arguments d’autrui (réfutations de la thèse, réfutation de la justification), en collaborant (par exemple nuances, concessions) et en ayant une argumentation réflexive (questions critiques et d’explicitations et justification).

De manière transversale, poser des questions critiques (Nussbaum, 2021) semble être un bon moyen pour guider la construction d’arguments complexes, les échanges de bonne qualité lors d’un débat mais aussi stimuler le développement de croyances épistémiques et de représentations du débat favorable à un bon esprit critique. Toutes ces propositions soulèvent la question de la formation des enseignants sur ce qu’est un argument, quels en sont les différents éléments, quelles fonctions ont ces éléments, ou encore quels buts épistémiques ont ces échanges argumentatifs pour les élèves.

Références

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