La méthode de la « classe puzzle » améliore-t-elle l’apprentissage ?

Arnaud STANCZAK

Niveaux

Secondaire (collège et lycée)

 

 

 

Public

Enseignant·es du secondaire

 

 

 

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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?

Ce travail de recherche teste l’efficacité du dispositif collaboratif de la « classe puzzle » sur l’apprentissage. La « classe puzzle » repose sur le principe d’interdépendance des ressources où des groupes sont créés en distribuant des ressources complémentaires (par exemple, des activités ou des exemples spécifiques) entre les élèves. À travers trois étapes, les élèves doivent progressivement s’approprier le pédagogique, se préparer à l’expliquer puis le restituer à leurs camarades, au sein des groupes « puzzle ».

En résumé, on cherche à mesurer si des enseignements menés avec l’outil de la « classe puzzle » mènent à de meilleures performances scolaires comparativement à un enseignement réalisé dans des conditions habituelles.

Pour répondre à cette question de recherche, nous avons réalisé cinq études dans différentes classes de sixième, ainsi que deux méta-analyses (revues systématiques de la littérature scientifique qui vise à regrouper et comparer les études s’intéressant à l’efficacité de la « classe puzzle »).

Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?

La « classe puzzle » est une méthode coopérative relativement populaire (Aronson et Patnoe, 2011). Pourtant, relativement peu de travaux scientifiques valident empiriquement l’efficacité de cette méthode pour les apprentissages : en France, par exemple, très peu d’études ont été menées afin de tester expérimentalement l’efficacité du dispositif des « classes puzzle » sur les apprentissages, comparativement à un groupe contrôle n’impliquant pas l’utilisation de cette méthode. Tester l’efficacité des dispositifs pédagogiques déployés dans les classes est incontournable (Burkhardt et Schoenfeld, 2003). Il est primordial de s’assurer que les outils utilisés pour favoriser le développement social et cognitif des apprenant‧es aient fait l’objet d’une validation scientifique au préalable. Dans ce travail de recherche, nous apportons des éléments théoriques et empiriques qui nous permettent de nuancer les bénéfices associés à la pédagogie de la « classe puzzle » (Roseth et al., 2019).

Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?

Deux approches ont été utilisées pour répondre à notre question de recherche. La première consiste en une méta-analyse qui permet d’obtenir une estimation moyenne de l’efficacité de la méthode (Borenstein et al., 2000). La méta-analyse sert également à quantifier la présence de biais méthodologiques telles que les erreurs de mesures et d’échantillonnage dans les procédures statistiques, ainsi que les biais de publication (c’est-à-dire, un report sélectif de données en faveur d’une hypothèse de recherche). Dans ce travail de recherche, une première méta-analyse a été réalisée sur la littérature scientifique s’intéressant à la « classe puzzle », et une seconde méta-analyse a permis de synthétiser les résultats de nos expérimentations.

La deuxième approche consiste à mener des expérimentations directement dans les classes. L’approche expérimentale permet, « toutes choses égales par ailleurs », de comparer des données obtenues dans une condition expérimentale à une condition dite contrôle, et d’estimer la pertinence de ces différences.

Pour cela, nous avons mené cinq études auprès d’un total de 850 élèves de sixième de l’académie Clermontoise. Sept établissements et 4 enseignant·es (trois en Sciences de la Vie et de la Terre, et un en Physique-Chimie) ont accepté de participer à ces études. À travers ces études, les élèves ont étudié des séquences pédagogiques, soit en condition de « classe puzzle », soit en condition de « contrôle ». Le contenu de ces séquences était identique d’une condition à une autre. Pour les études 1 et 2, qui n’ont duré qu’une séance de 2 heures, la condition « contrôle » consistait en un travail individuel. Les études 3, 4 et 5 se sont étalées le long d’un trimestre (soit environ 15 semaines de cours), et la condition « contrôle » consistait en un enseignement habituel dispensé par les 4 enseignant·es volontaires.

Pour mesurer l’efficacité de la « classe puzzle », nous avons utilisé les scores des élèves à des évaluations de connaissances portant sur les contenus pédagogiques présentés. Pour les deux premières études, contenus et évaluations ont été créés par notre équipe de recherche pour les besoins de l’expérimentation. Pour les études 3, 4 et 5, les évaluations de connaissances ont consisté en des contrôles continus déployés par les enseignant‧es, afin d’évaluer les acquis de chaque élève dans la discipline.

Quels résultats a-t-on obtenus ?

Ce travail de recherche avait pour objectif de tester l’efficacité de la « classe puzzle » — une pédagogie coopérative supposée améliorer l’apprentissage des élèves grâce à une certaine structuration de la coopération — sur l’apprentissage de nouvelles notions. Nous avons soulevé l’idée que, même si cette pédagogie est caractérisée par un engouement important de la part de ses concepteurs, les preuves de son efficacité tendent à manquer.

La première méta-analyse révèle deux problèmes majeurs dans la littérature scientifique : un problème de sous-puissance statistique qui touche plus de 70 % des études analysées ainsi qu’un risque élevé de biais de publication qui impactent négativement la confiance que l’on peut accorder dans les résultats publiés (Funder et Ozer, 2019). En effet, lorsque les études sont réalisées dans de bonnes conditions méthodologiques et avec une puissance de test satisfaisante, c’est-à-dire, un nombre d’élèves suffisamment élevé, les estimations de l’efficacité de la « classe puzzle » suggèrent un effet faible, voire inexistant, alors que les effets positifs s’observent dans des études moins rigoureuses d’un point de vue empirique.

Enfin, les résultats obtenus pour nos cinq études expérimentales n’apportent aucune preuve de l’efficacité de la « classe puzzle » relativement aux groupes contrôles, que l’enseignement soit individuel (études 1 et 2) ou que les pratiques d’enseignement demeurent habituelles (études 3, 4 et 5). La seconde méta-analyse rapporte que l’effet global de la « classe puzzle » sur les performances scolaires est proche de zéro et ne varie pas d’une étude à l’autre.

En conclusion, il est hautement improbable que la « classe puzzle » ait des effets positifs sur les apprentissages des élèves de sixième, tels que mesurés par des évaluations de connaissances utilisées dans nos études.

Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?

Les résultats de ces expériences questionnent l’efficacité de la « classe puzzle » sur les apprentissages. De manière générale, les résultats encouragent à adopter une posture critique par rapport aux interventions pédagogiques n’ayant pas fait l’objet de validation empirique solide par la recherche expérimentale (Slavin, 2013).

Les études et méta-analyses développées portent exclusivement sur les apprentissages tels que mesurés par des indicateurs de performances scolaires (c’est-à-dire, évaluations de connaissances) : d’autres variables socio-affectives (par exemple, climat de la classe, motivation) sont susceptibles d’être affectées par la « classe puzzle ».

D’autres études, réalisées sur de plus grands échantillons devront être menées afin de tester les conditions d’émergence d’un effet positif ou négatif de l’utilisation de la méthode de la « classe puzzle ». En effet, l’absence d’effet positif rapporté dans nos études pourrait être dû à des variables modératrices non identifiées. Par exemple, il est possible que l’effet soit positif pour certains élèves, négatif pour d’autres, ce qui pourrait expliquer l’absence d’effet global lorsque ces modérateurs ne sont pas identifiés. Il est donc impératif de mener de nouvelles études avec une puissance de test suffisante (c’est-à-dire, des études réalisées sur des effectifs importants d’élèves) pour tester l’effet de ces variables mais aussi examiner d’autres populations que les élèves de 6e.

Références

Aronson, E. et Patnoe, S. (2011). Cooperation In the Classroom: The Jigsaw Methode (erd. éd.). Pinter & Martin.

Borenstein, M., Hedges, L. V., Higgins, J. P. et Rothstein, H. R. (2021). Introduction to meta-analysis. John Wiley & Sons.

Burkhardt, H. et Schoenfeld, A. H. (2003). Improving educational research: Toward a more useful, more influential, and better-funded enterprise. Educational Researcher, 32(9), 3-14. https://doi.org/10.3102/0013189X032009003

Funder, D. C. et Ozer, D. J. (2019). Evaluating effect size in psychological research: Sense and nonsense. Advances in Methods and Practices in Psychological Science, 2(2), 156-168. https://doi.org/10.1177%2F2515245919847202

Roseth, C. J., Lee, Y.-k. et Saltarelli, W. A. (2019). Reconsidering jigsaw social psychology: Longitudinal effects on social interdependence, sociocognitive conflict regulation, motivation, and achievement. Journal of Educational Psychology, 111(1), 149. https://doi.org/10.1037/edu0000257

Slavin, R. E. (2013). Cooperative learning and student achievement. Dans School and classroom organization (p. 129-158). Routledge. https://doi.org/10.4324/9780203056950-5

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