Thibault CHIRON
Niveaux
Formation technique agricole et forêt-bois, Brevet professionnel, Bac professionnel, Brevet Technicien Supérieur
Public
Enseignant·e·s et formateur·trice·s de sylviculture, aménagement forestier, écologie forestière, sciences de la vie et de la terre
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Thibault CHIRON — Voir ses publications
Laboratoire FoAP
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À quelles questions cette étude tente-t-elle de répondre ?
Notre travail s’intègre dans le projet Silva Numerica dont l’objectif est de concevoir un outil numérique (un Environnement Virtuel Éducatif) permettant d’enrichir la palette d’outils pédagogiques visant à apprendre les savoirs liés à l’écosystème forestier et à la gestion d’une forêt. Si cet outil est à destination de différents publics (des collégiens, des lycéens de filière générale et technique), cette recherche aborde de manière plus précise la question de la formation professionnelle de la filière forêt-bois du point de vue des apprentissages techniques. Nous nous intéressons à l’apprentissage d’une activité professionnelle reconnue comme emblématique du métier de forestier, le diagnostic sylvicole. Ce type de diagnostic constitue une démarche d’analyse d’un peuplement forestier pour déterminer son état, son potentiel et ses limites en lien avec la station forestière sur laquelle poussent les arbres et dont le but final est de fixer des objectifs d’exploitations tout en décidant des différentes interventions sylvicoles pour les atteindre.
Trois questions principales sont posées ici : (1) quelle est la nature et l’organisation conceptuelle de l’activité de diagnostic sylvicole de différents niveaux de formations (des BP Responsable de chantiers forestiers, des Bac Pro Forêt et des BTS Gestion Forestière), (2) qu’est-ce que suscite l’utilisation de différentes ressources habituellement employées en formation pour conduire et apprendre à conduire des diagnostics complexes, tels qu’un déplacement sur le terrain, en forêt, l’utilisation de photos et de vidéos d’un peuplement forestier, et (3) en quoi l’utilisation d’un premier prototype de l’outil numérique Silva Numerica peut contribuer et se combiner aux ressources pédagogiques existantes en vue d’améliorer l’apprentissage des raisonnements complexes permettant d’aboutir à des diagnostics sylvicoles cohérents et pertinents, prenant à la fois en compte les dimensions économique, écologique et sociale de la forêt dans un perspective de gestion durable.
Pourquoi ces questions sont-elles pertinentes ?
Si le diagnostic est une activité partagée par de nombreux professionnels issus de différents secteurs (médecine, informatique, mécanique, etc.), le diagnostic sylvicole a pour spécificité de porter sur un milieu naturel, la forêt. Le forestier ou futur forestier doit intervenir sur des écosystèmes formés d’êtres vivants (des arbres, des plantes, des animaux, des champignons, etc.), dépendants des processus, des ressources et des milieux sur lesquels ils vivent. Poser un diagnostic sur un tel environnement demande aux professionnels de se rendre sur le terrain pour apprécier, in situ, l’état de l’écosystème et plus précisément, l’état des arbres cultivés (le peuplement) et du milieu (la station) à partir de nombreuses observations, de lectures de documents de gestion, de mesures et d’estimations réalisées à l’aide d’outils et de calculs (voir Figure 1). Le forestier doit donc travailler dans un milieu complexe, composé de nombreuses variables à prendre en compte pour agir de manière efficiente tout en poursuivant des buts qui demandent d’allier à la fois l’aspect économique (la production de bois), écologique et social en partie pour répondre à des prescriptions et des attentes de plus en plus fortes orientées sur la prise en compte de la multifonctionnalité des forêts et de résilience des peuplements face au changement climatique. Les analyses du travail menées dans une perspective de didactique professionnelle (Pastré et al., 2006) montrent que les professionnels « experts » soucieux de proposer des décisions d’interventions respectant la multifonctionnalité des espaces forestiers procèdent à des descriptions qualitatives et quantitatives qui articulent des variables issues du peuplement, de la station et de la lumière (Chrétien, 2021 ; Guidoni-Stoltz, 2020).
L’écosystème forestier forme aussi un environnement qualifié de dynamique (Hoc, 1996), vivant (Mayen et Lainé, 2014) et à longs délais de réponses (Samurçay et Rogalski, 1992) ce qui signifie que la forêt évolue et continue d’évoluer même sans l’intervention d’un forestier, et qu’il faut par ailleurs attendre un certain nombre d’années pour voir les résultats d’évolutions des interventions en forêt (par exemple, le cycle pour gérer de bout en bout un peuplement de chênes sessiles peut durer au moins 160 ans). En conséquence, gérer et apprendre à gérer un environnement forestier demande d’élaborer des diagnostics exigeants sur le plan cognitif. Il demande, pour les futurs forestiers, de raisonner l’interaction des différentes composantes et processus inhérents à l’écologie forestière (comme la photosynthèse , la décomposition des sols, la concurrence d’accès aux ressources et leurs impacts sur la croissance des arbres), d’anticiper le devenir des processus et les résultats d’actions sur l’ensemble des composantes de l’écosystème, d’estimer l’adaptation des essences à la station, de composer avec l’incertitude des résultats et l’incertitude liée à des imprévus climatiques (sécheresse, incendie, tempête, etc.). La complexité de l’environnement forestier peut donc apparaître comme un obstacle à l’apprentissage du diagnostic. Il est important pour les apprenants de développer des capacités à percevoir et déchiffrer les informations pertinentes de l’environnement pour prendre des décisions d’interventions adaptées (les types d’interventions à réaliser, leurs planifications dans le temps et leurs intensités) qui puissent répondre aux enjeux de prises en compte de la multifonctionnalité de la forêt. De plus, s’il n’est pas possible pour les apprenants de vérifier les résultats des interventions sylvicoles dans le temps, il n’est pas non plus possible de revenir en arrière pour annuler ou modifier les décisions de coupes réalisées suite au diagnostic.
Lorsque la situation de travail et d’apprentissage est complexe et difficile d’accès, les simulateurs peuvent constituer des réponses pédagogiques (notamment combinés à la réalité virtuelle pour former dans notre cas un Environnement Virtuel Éducatif) pour présenter des concepts abstraits, agir sur des variables difficilement manipulables, mettre en scène des phénomènes temporellement inobservables car trop rapides ou trop lents voire de recommencer une action (Pastré et al., 2005). Dans le cas des apprentissages professionnels, de tels dispositifs suggèrent des effets « plutôt positifs » dans différents secteurs comme le pilotage (aviation, navigation), la gestion de procédures (de centrale nucléaire, de feu de forêts) ou la santé (Tricot, 2020). Néanmoins, les résultats de recherches précisent que de tels dispositifs ne sont pas des outils « miracles », l’efficacité des simulateurs dépendant en partie de la nature du scénario pédagogique proposé (activité de résolution de problème, conduite d’un débriefing) et d’un équilibre entre le degré de réalisme entre la situation simulée et la situation réelle. Selon ces mêmes recherches, les plus-values des simulateurs s’apprécient à partir d’analyses fines, menées au cas par cas, en fonction du simulateur conçu pour répondre à des apprentissages ciblés selon le secteur professionnel donné.
Pour conclure, la simulation semble donner des résultats prometteurs notamment dans certains secteurs de formations (par exemple : pilotage ou métiers de la santé). Cependant, l’étude de tels dispositifs n’a pas encore été menée dans les métiers liés à la gestion des forêts et à la sylviculture notamment en vue de former à des compétences critiques comme le diagnostic sylvicole. Dans ce travail de recherche, étudier le diagnostic sylvicole chez des apprenants est une première étape indispensable pour comprendre comment des apprenants en formation conduisent de tels diagnostics, repérer les variables prises en compte (ou non) dans l’environnement, repérer les potentielles difficultés et analyser les différences de conduites du diagnostic sylvicole selon différents niveaux de formation sur le terrain, c’est-à-dire en forêt. Cette analyse est une base préalable pour étudier ensuite la conduite de l’activité menée à partir de l’utilisation d’un premier prototype de l’outil numérique Silva Numerica et pour comparer l’activité de diagnostic menée sur le terrain ou réalisée à partir d’une autre ressource « intermédiaire » via l’utilisation de photos et de vidéos d’un peuplement forestier. Si le premier prototype de Silva Numerica simule un environnement forestier (une futaie régulière de chênes sessiles) et son évolution dans le temps après des interventions sylvicoles sur le peuplement forestier, ce travail consiste aussi à tester et à améliorer l’utilisation du premier prototype tout en proposant des pistes pour la conception de scénarios pédagogiques à destination d’enseignants-formateurs combinant les trois ressources étudiées.
Quelle méthodologie de recherche a-t-on utilisée ?
Afin de répondre à nos objectifs, nous avons mené une analyse de l’activité conduite dans une perspective de didactique professionnelle (Pastré et al., 2006) auprès de 14 apprenants volontaires, tous issus de la formation technique de la filière forêt bois : 3 BP Responsable de Chantiers Forestiers (RCF), 6 Bac Pro Forêt et 5 BTS Gestion Forestière (GF).
En vue d’analyser la qualité des diagnostics sylvicoles, nous avons construit une mise en situation (basée sur l’épreuve évaluative E7-2 du BTS GF)1. Les participants étaient invités à mener un diagnostic sylvicole concret à partir de trois ressources distinctes (lors de 3 entretiens différents) : un déplacement en forêt, l’utilisation du premier prototype de Silva Numerica (voir Figure 2 pour une illustration du logiciel), l’utilisation de photos et de vidéos d’une parcelle forestière. Lors des entretiens, nous demandions aux apprenants de verbaliser à voix haute leurs actions et leurs raisonnements en cours d’action (c’est-à-dire, lorsqu’ils conduisent le diagnostic sylvicole), de décider des interventions à mener sur un peuplement et, dans le cas de l’utilisation de Silva Numerica, de réaliser une partie des décisions proposées. Parfois, le chercheur intervenait pour demander des explicitations aux participants, en partie lorsque la verbalisation spontanée s’arrête, lorsqu’elle ne correspond pas à l’action observée ou lorsque des événements significatifs pour notre recherche se produisent.
Sur le plan technique, l’enregistrement des entretiens par dictaphone et par vidéo occupe une place importante dans le recueil de données. Dans une perspective de didactique professionnelle (Olry et al., 2021), les traces vidéo, croisées aux verbalisations, nous ont permis d’analyser l’activité des apprenants en situation, de saisir le décours temporel de l’activité et des raisonnements élaborés à partir des trois ressources étudiées, et dans le cas de l’utilisation du prototype Silva Numerica, d’analyser les résultats d’actions sur le simulateur. Pour comprendre de manière très fine le déroulement de l’activité, le cheminement des raisonnements au niveau individuel, les empêchements et les ajustements réalisés pendant l’action, nous avons cherché à identifier et formaliser les composantes du schème décrit par Vergnaud (1996) à savoir :
- les buts, les sous-buts des actions et les anticipations ;
- les règles d’actions, les prises d’informations et de contrôle opérées ;
- les invariants opératoires composé des concepts-en-acte et les théorèmes-en-acte ;
- les inférences élaborées en situation.
Quels résultats a-t-on obtenus ?
Les résultats montrent que tous les apprenants parviennent à élaborer des diagnostics sylvicoles et à proposer des scénarios d’interventions à partir des différentes ressources utilisées, y compris en utilisant le premier prototype de Silva Numerica. Les diagnostics se construisent (tous niveaux de formation confondus) à partir d’une identification massive des variables issues du peuplement, en prenant appui sur les indicateurs quantitatifs et qualitatifs (par exemple : hauteur et diamètre des arbres, conformation, présence de défauts). Nous faisons ressortir la mobilisation d’un noyau de théorèmes-en-acte et de concepts-en-acte qui guident les prises d’informations et orientent les buts et les sous-buts des apprenants (ces invariants opératoires sont figurés dans le Tableau 1).
Théorèmes-en-acte | Concepts-en-acte |
---|---|
La valeur marchande dépend de la qualité et de la conformation des bois | Filière et utilisation des bois Qualité Conformation |
L’apport de lumière permet aux arbres de se développer en hauteur et en diamètre | Apport de lumière Croissance des arbres |
L’arrivée de lumière au sol est propice à la régénération | Apport de lumière Régénération naturelle |
Le tableau présente les principaux théorèmes-en-acte et concepts-en-acte repérés majoritairement dans l’ensemble des diagnostics sylvicoles menés par des apprenants.
Le premier théorème-en-acte « La valeur marchande dépend de la qualité et de la conformation des bois » est associé à trois concepts-en-acte : filière et utilisation des bois, qualité et conformation.
Le second théorème-en-acte « L’apport de lumière permet aux arbres de se développer en hauteur et en diamètre » est associé à deux concepts-en-acte : apport de lumière et croissance des arbres.
Enfin, le troisième théorème-en-acte « L’arrivée de lumière au sol est propice à la régénération » est associé à deux concepts-en-acte : apport de lumière et régénération naturelle.
Parmi les concepts-en-acte, la qualité et la conformation des bois sont directement liés à l’aspect productif de la forêt ; ils orientent le but général de produire les plus beaux bois possibles en vue de leur commercialisation. Les deux théorèmes-en-acte suivants sont directement en lien avec le concept de mise en lumière des arbres et du semis pour leur développement. Si la lumière n’est pas une variable directement manipulable par de futurs professionnels, les apprenants poursuivent deux sous-buts : apporter de la lumière et de la place pour faire croître les arbres désignés d’avenir2 (mais pas trop pour éviter l’apparition de défauts sur les troncs, conduisant à une dévalorisation commerciale).
Si les variables du peuplement sont massivement repérées en forêt, d’autres variables ne sont pas reconnues, mobilisées ou articulées par les apprenants, et ce, même si elles apparaissent dans les différentes ressources étudiées. Par exemple, les variables issues de la station et du vivant ne sont pas ou peu prises en compte (par exemple : décrire le type d’humus et raisonner son potentiel sur le peuplement, identifier la présence de vers de terre sur la base des turricules pour raisonner un processus de décomposition important, etc.). Sans l’articulation de ces informations, les apprenants ne parviennent pas toujours à formuler des bilans intermédiaires ne les conduisant pas à définir des états de la situation. Ils ont une représentation de la forêt sous forme d’îlots, ce qui limite les possibilités de proposer des interventions pertinentes et cohérentes (Chiron et al., 2019).
Nous observons des différences entre les niveaux de formations, toutes ressources confondues. Les apprenants de BP RCF et de Bac Pro Forêt repèrent davantage des informations quantitatives comme les diamètres et la hauteur des arbres pour définir l’état et le potentiel d’une forêt. Ils sous-estiment les variables temporelles (les cycles de rotation proposés sont trop courts) les conduisant à raisonner les différentes interventions de manière réactive. À l’inverse, en cherchant à vérifier certaines valeurs correspondant à des normes professionnelles (par exemple : espacement moyen, diamètre d’exploitabilité du chêne), les apprenants du BTS GF formulent des interventions qui envisagent l’évolution de la croissance des arbres dans l’espace et dans le temps ; leurs raisonnements d’interventions sont davantage orientés sur l’anticipation des transformations du peuplement dans le temps.
Parmi les résultats importants consacrés à l’utilisation des différentes ressources, nous constatons que les supports photos et vidéos occasionnent parfois des erreurs dans le diagnostic sylvicole (par exemple : reconnaitre le régime et le traitement sylvicole3). Dans le cas d’un peuplement un peu ambigu, des apprenants ne confrontent pas toujours les informations perçues avec les données chiffrées dont ils disposent (les données dendrométriques4). Articuler les données visuelles avec les données dendrométriques tirées de documents de gestion peut faire l’objet d’une attention plus marquée en formation.
L’utilisation du premier prototype de Silva Numerica offre aux apprenants la possibilité de réaliser différentes opérations successives, de mener des éclaircies5, et de simuler les résultats d’actions dans le temps (ces éléments sont peu accessibles sur le terrain). Certains apprenants réalisent leurs actions de façon séquentielle, d’autres sont en difficulté, tâtonnent longuement et doivent changer de buts et de sous-buts (par exemple : faire une éclaircie par le haut). Les possibilités de mener des interventions sur un cycle long et de recommencer permet aux apprenants de raisonner et de planifier leurs actions, de gagner en rapidité lors de certaines procédures et d’affiner certaines prises d’informations (notamment lorsqu’ils sont confrontés à des compromis, c’est-à-dire choisir des arbres à couper dans un bouquet d’arbres présentant tous des qualités). Nous mettons en évidence que la visualisation des résultats suscite chez 6 apprenants un développement de leurs représentations d’un processus peu visible à l’œil nu, la concurrence des arbres pour l’accès à la lumière. En conséquence, ils remettent en doute leurs précédentes actions et étendent leurs prises d’informations pour vérifier les indicateurs de la concurrence dans l’espace et dans le temps (par exemple : vérifier l’imbrication des houppiers6).
Que dois-je retenir de cette étude pour ma pratique ?
- Si le premier prototype de Silva Numerica offre des résultats encourageant sur l’apprentissage de certaines procédures (faire des choix, s’organiser et être plus rapide dans l’exécution), les prises d’informations et les buts peuvent être travaillés en s’entrainant au diagnostic sylvicole en combinant les trois ressources (déplacement sur le terrain, utilisation de photos et de vidéos, utilisation de Silva Numerica).
- Dans l’ensemble, les diagnostics sylvicoles sont complexes. Les apprenants identifient bien les variables relevant du peuplement, mais leurs raisonnements couvrent moins le champ de la station et des variables liées au vivant (soit ils ne donnent pas ou peu d’informations, soit ils restent trop descriptifs et ne combinent pas les informations issues du peuplement et de la station pour déduire l’état et le potentiel de la forêt). Une proposition serait, toutes ressources confondues, de faire expliciter aux apprenants les variables issues de la station et du vivant, de les pousser à déduire les conséquences de telles observations sur la qualité du peuplement et ainsi proposer des scénarios pertinents.
- Nous avons vu que l’articulation entre les données dendrométriques et les aspects visuels d’un peuplement n’est pas systématique. Pourtant cette articulation entre « le papier » et « la réalité » est cruciale pour déduire le régime et le traitement (notamment s’il est ambiguë). Nous pouvons proposer de faire verbaliser systématiquement les apprenants sur les données issues d’un tableau de répartition de diamètres et de comparer avec des photos du peuplement pour dédire le traitement pertinent. Les photos sont aussi une ressource intéressante pour montrer la diversité des régimes et des traitements possibles selon les régions forestières, les objectifs assignés et le stade du peuplement.
- Les buts des interventions sont, pour la plupart, d’ordre économique et les buts liés aux dimensions écologique et sociale ne sont pas mentionnées. Une piste consiste à demander de manière systématique la conduite de plusieurs scénarios élaborés ou ajustés en fonction des trois dimensions de la forêt (économique, écologique et sociale) voire d’imaginer un scénario en fonction des conséquences du changement climatique.
- Notre étude montre une difficulté pour des apprenants de BP et de Bac Pro d’agir au bon moment. En percevant de la régénération au sol ou un arbre ayant atteint un diamètre d’exploitabilité, ils décident de lancer trop tôt un nouveau cycle sylvicole. Pour s’entrainer à lutter contre cette décision contre-intuitive nous pouvons proposer aux enseignants-formateurs de travailler sur quelques normes utilisées par les apprenants de BTS pour anticiper les rotations des cycles et ainsi affiner leurs scénarios d’interventions (par exemple : usage du diamètre d’exploitabilité, structure du peuplement, etc.).
- Nos résultats montrent un perfectionnement de la représentation du concept de concurrence chez certains apprenants grâce aux feedbacks offerts par Silva Numerica sur les résultats d’actions, mais ce résultat n’est pas systématique. Si cet apprentissage apparait de manière spontanée (et parfois avec l’aide du chercheur) chez quelques apprenants, nous insistons sur l’activité importante de médiation des enseignants-formateurs pour que l’utilisation de l’outil numérique soit au service de l’apprentissage. En effet, la simple utilisation de Silva Numerica ne suffit pas. Cette activité de médiation des enseignants-formateur est centrale pour faire penser, raisonner et verbaliser les apprenants notamment lors d’un usage futur de Silva Numerica en formation (en particulier pour mener des briefings et des débriefings). Dans ce sens, notre méthodologie propose des pistes à destination des enseignants-formateurs pour faire raisonner et verbaliser les apprenants en prenant appui sur des questions permettant de questionner l’activité des apprenants lors de la conduite d’un diagnostic sylvicole.
Notes de bas de page :
- La première version de Silva Numerica étant à l’état de prototype, il n’a pas été possible de l’utiliser en formation. ↩︎
- Les arbres d’avenir sont des arbres dont le potentiel est jugé suffisant pour répondre aux objectifs de productions fixées. Les opérations sylvicoles sont orientées à leurs profits. ↩︎
- Le régime est un mode de renouvellement du peuplement forestier (futaie, taillis ou taillis-sous-futaie), et le traitement est l’ensemble des intervenions appliquées en vue de maintenir ou de faire évoluer le peuplement vers une structure déterminée (régulière ou irrégulière). ↩︎
- Les données dendrométriques concernent les mesures des arbres au niveau global et individuel comme la hauteur, le diamètre, la densité, le volume, etc. ↩︎
- Les éclaircies sont des coupes sélectives réduisant le nombre d’arbres notamment pour leur commercialisation. ↩︎
- Les houppiers sont les ramifications des arbres situées au-dessus du fût. Il s’agit en quelque sorte du branchage. ↩︎
Références
Chiron, T., Guidoni-Stoltz, D., et Mayen, P. (2019). Explorer l’activité de diagnostic d’une parcelle
forestière par des apprenants forestiers pour favoriser l’apprentissage de gestion de situations
dynamiques en lien avec le vivant. Recherches en éducation, 38. https://doi.org/10.4000/ree.732
Chrétien, F. (2021). Des savoirs raisonnés (scolaires, procéduraux et scientifiques) à leur pragmatisation dans l’activité d’apprenants : l’exemple du diagnostic de station forestière. Travail et
apprentissages, 22(1), 27-49. https://doi.org/10.3917/ta.022.0027
Guidoni-Stoltz, D. (2020). l’œil du forestier, instrument et miroir de l’activité professionnelle. Une
perspective de didactique professionnelle. Revue d’anthropologie des connaissances, 14(14-3).
https://doi.org/10.4000/rac.8371
Hoc, J.- M. (1996). Supervision et contrôle de processus : La cognition en situation dynamique. Presses universitaires de Grenoble.
Mayen, P., et Lainé, A. (2014). Apprendre à travailler avec le vivant : développement durable et didactique professionnelle (P. Mayen et A. Lainé, dir.). Éditions Raisons et Passions.
Olry, P., Métral, J.- F., et Chrétien, F. (2021). L’usage des vidéos en didactique professionnelle : statuts technique, pragmatique, épistémique et acceptabilité sociale. Savoirs, 55(1), 59-75. https://doi.org/10.3917/savo.055.0059
Pastré, P., et al., (2005). Apprendre par la simulation : de l’analyse du travail aux apprentissages professionnels (P. Pastré, dir.). Octarès Éditions.
Pastré, P., Mayen, P., et Vergnaud, G. (2006). La didactique professionnelle. Revue française de pédagogie, 154, 145-198. https://doi.org/10.4000/rfp.157
Samurçay, R., et Rogalski, J. (1992). Formation aux activités de gestion d’environnements dynamiques : concepts et méthodes. Éducation permanente, 111, 227-242.
Tricot, A. (2020). Quelles fonctions pédagogiques bénéficient des apports du numérique ? Paris : Cnesco-Cnam.
Vergnaud, G. (1996). Au fond de l’action, la conceptualisation. Dans J.- M. Barbier (dir.), Savoirs théoriques, savoirs d’action (p. 275-292). Paris : PUF.
Action/Projet associé(e)
Projet SILVA NUMERICA
Immersion dans une forêt virtuelle pour développer de nouvelles stratégies pour penser, agir et se comporter avec le vivant
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